Comment repérer, orienter et accompagner les femmes victimes de violences conjugales ? Quelques conseils pour trouver la bonne attitude.
Comment aborder la question des violences conjugales en consultation, lorsque l’on est soignant ou professionnel de l’aide, et donc du soin au sens large ? Pour Anaïs Nuttall, gynécologue médicale à la Maison des Femmes de Marseille, « l’essentiel est d’être à l’aise avec ces questions et de s’y être intéressé. On ne peut pas aborder le sujet sans le connaître et sans avoir de solution à apporter à la patiente. La première chose à faire est de poser la question « êtes-vous victime de violences ? » aussi systématiquement que l’on demande à sa patiente si elle fume, boit de l’alcool, fait du sport… Aucune femme ne sent blessée par cette question qui a le même poids dans l’interrogatoire que les antécédents médicaux et il ne faut pas la poser uniquement sur des signes d’appel. Cependant, cela se pratique peu parce qu’il faut assumer la réponse derrière et avoir un minimum de réseau. » D’où l’intérêt des Maisons des Femmes(1) qui proposent une prise en charge complète (sans hébergement) au sein de l’Hôpital, coordonnée avec des professionnels de ville et des associations : sanitaire et médicale (sage-femme, gynécologue, infirmier, aide-soignant, psychologue, psychiatre...) ; sociale (accès au droit avec des travailleurs sociaux et des associations, mais aussi groupes de paroles et ateliers) ; juridique (conseils d’experts de l'aide aux victimes) ; judiciaire (permanences policières pour le dépôt de plainte).
Démocratiser la parole
Ces structures développent en outre un volet de formation auprès des soignants : « en gynécologie médicale et obstétrique, parler de l’intimité, fait partie du parcours obligé parce que cela peut avoir un impact majeur sur la santé », observe Anaïs Nuttall. « Les médecins traitants sont évidemment bien placés pour aborder ces questions mais d’autres spécialités doivent s’habituer à les traiter comme les médecins orthopédistes, qui peuvent repérer des fractures, ou les kinésithérapeutes, des bleus. »
Le site https://arretonslesviolences.gouv.fr/je-suis-professionnel propose des dizaines de conseils aux professionnels susceptibles de repérer et d’orienter ainsi que des outils pédagogiques, des vidéos (différencier conflits et violences au sein du couple, repérer les mécanismes de violence au sein du couple, les impacts du stress aigu et chronique, techniques d’entretien …). Autant de pistes pour libérer la parole en entretien : « même si une femme répond « non » la première fois que vous lui posez la question, conclut Anaïs Nuttall, elle comprend que le professionnel est à l’écoute. Elle peut y revenir à la fin de l’entretien, rappeler, etc. Elle n’ose pas forcément mais a repéré l’espace. »
Suzanne Nemo
(1) 11 Maisons des Femmes, sur le modèle de Saint Denis la pionnière née en 2016, ouvrent ou sont en projet, au sein d’hôpitaux publics, regroupées dans le collectif ReStart (pour renaissance). Une dizaine d’autres maisons s’apprêtent à intégrer le collectif. Elles proposent différents parcours de soins : femmes victimes de violences conjugales, mutilations sexuelles féminines, femmes vulnérables enceintes, victimes d’inceste.