Nicolas Delmas est directeur des ressources humaines, en charge de l’attractivité pour l’ensemble du groupe AP-HP Nord. Il a co-organisé la première « Journée de la nuit », soutenue par la MNH, à destination des professionnels de santé travaillant la nuit. Il détaille les enjeux de cette initiative.
Pourquoi vous être saisi du sujet du travail de nuit ?
Nicolas Delmas : Les professionnels de nuit représentent une part prépondérante du nombre de nos postes vacants. Dans ce contexte, je me suis interrogé avec une cadre supérieure sur ce que nous pourrions faire pour les valoriser. Ainsi aucun événement ne leur était consacré, à la différence de ce qui peut être organisé le jour. Nous percevions qu’ils éprouvaient certainement un sentiment d’isolement et de manque de reconnaissance. Nous avons monté un groupe composé de professionnels de nuit, cadres de nuit, DRH, responsables syndicaux, médecins du travail du CPRP (centre de prévention des risques professionnels)… avec deux objectifs : monter une grande enquête afin de connaître les difficultés rencontrées par ces professionnels et mettre en place des solutions. Nous avons aussi pensé à organiser un événement régulier pour valoriser leur travail.
Quel a été calendrier de cette démarche et ses résultats ?
N. D. : J’ai entamé cette réflexion en mars 2021. En septembre, nous avons finalisé et diffusé le premier questionnaire auprès de tous les professionnels de nuit au sein de notre groupe. Nous avons obtenu plus de 400 questionnaires renseignés, une bonne surprise. Les réponses étaient anonymes et nous demandions juste l’origine du site. Ce qui nous a paru intéressant est que certains sujets que nous envisagions problématiques ne l’étaient pas et inversement. Ainsi, nous étions partis du postulat que ces professionnels pouvaient avoir plus de mal à accéder aux formations, puisqu’elles se déroulent en journée. À plus de 70 %, les répondants nous ont dit qu’ils n’avaient pas de problème à les suivre. Autre idée préconçue, il n’existe pas de cadre de santé de nuit dédié pour chaque service dans les hôpitaux aujourd’hui et nous pensions que cela pouvait constituer une difficulté dans la relation avec l’encadrement. Or, à plus de 60% dans la plupart des sites, les répondants ont indiqué qu’ils ne rencontraient pas de problème pour accéder aux cadres, certainement grâce à tous les moyens de communication modernes.
Inversement, quelles sont leurs principales difficultés ?
N. D. : Deux items ont été pointés. L’accès à la DRH, notamment, leur est compliqué puisqu’ils travaillent en horaires décalés. Autre difficulté pas forcément perçue : la relation avec les médecins. Les professionnels de nuit ont, en effet, souligné les trouver très absents et nous avons noté à cet égard une très forte attente de leur part.
Quelles mesures avez-vous mises en place ?
N. D. : Nous testons sur Bichat un questionnaire d’accès à la DRH en ligne pour que les agents n’aient pas besoin de se déplacer physiquement. À Lariboisière, les agents de la DRH viennent plus tôt, ce qui permet de leur répondre. Par ailleurs, fin mars 2022, à Bichat, Robert Debré, Lariboisière, puis en juin à Beaujon, Louis Mourier et Saint-Louis, nous avons organisé les premières Journées de la nuit, dédiées aux professionnels de nuit. Le jour, des photos et des vidéos étaient projetées pour que les professionnels de jour découvrent le travail de leurs collègues. Et la nuit, des ateliers ont été organisés : bar à smoothie, massages, luminothérapie, relaxation….
Quels ont été les principaux enseignements de cette initiative ?
N. D. : Je pense qu’il est très important de sonder les personnes et de ne pas projeter sur eux nos préjugés. Avec les outils modernes, il est facile de lancer un questionnaire en ligne pour recueillir leur parole et leur(s) avis. C’est un préalable important pour instaurer des actions concrètes et faciliter le quotidien des professionnels, avant même la question de la rémunération.
Propos recueillis par Suzanne Nemo
