La MNH et Odoxa vous proposent tous les trimestres un sondage qui décrypte l'état de santé des Français et du personnel hospitalier*, ainsi que leur niveau de satisfaction à l'égard de leur travail. Une question d'actualité complètera ces questions récurrentes. Pour cette édition, nous avons voulu savoir si le personnel hospitalier soutenait les mobilisations contre la réforme de la fonction publique. Retrouvez les résultats complets de l'étude en cliquant ici, ainsi que deux regards : celui de Gaël Sliman, co-fondateur et Président d'Odoxa "l'oeil du sondeur" et celui du Dr Philippe Denormandie, directeur Relations publiques er médicales MNH GROUP, "l'oeil de l'expert".
L'OEIL DU SONDEUR
PAR GAËL SLIMAN, CO-FONDATEUR ET PRÉSIDENT D'ODOXA
Voici les principaux enseignements du carnet de santé d'avril 2018
1) Santé physique des Français et des personnels hospitaliers : 5 mois d'hiver permettent aux grippes et gastroentérites de "jouer les prolongations"... et, comme toujours, les personnels hospitaliers sont encore plus durement touchés que le grand public (24% contre 20%).
3) Les personnels hospitaliers confirment les observations du baromètre 360 pointant une nette dégradation perçue de la qualité de nos soins (notamment sur le parcours de soins).
4) Or, si le développement de la e-santé est perçue par la plupart des acteurs comme un facteur pouvant enrayer cette dégradation, les personnels hospitaliers, eux, se montrent nettement moins convaincus : certes ils pensent que la e-santé aura des vertus pour les patients mais ils estiment aussi que le digital leur fait plus "perdre" que "gagner" du temps...
L'OEIL DE L'EXPERT
PAR LE DR PHILIPPE DENORMANDIE, DIRECTEUR RELATIONS PUBLIQUES ET MÉDICALES MNH GROUP
Trois informations inquiétantes concernant les personnels hospitaliers m'ont particulièrement interpelé dans notre carnet de santé d'avril :
La 1re concerne leur état de santé physique, toujours très largement plus défaillant que celui de la population générale.
Si on peut comprendre que les personnels soignants, constamment au contact de personnes malades, puissent être eux-mêmes sensiblement plus touchés par les pathologies que leur concitoyens, il n'est pas normal en revanche que le niveau de leurs affections soit à ce point élevé - chez les soignants il est presque deux fois plus élevé (37% contre 20%) - d'autant plus que les affections concernées (le pic observé dans la population générale s'explique par des états grippaux, des rhumes, gastro et autres affections hivernales) sont pour l'essentiel des affections dont on peut se prémunir soit par la vaccination soit par des gestes simples de prévention.
La 2ème information forte livrée par notre sondage concerne la santé morale de nos personnels hospitaliers.
60% de personnels soignants s'estimant satisfaits de leur travail contre 40% s'en déclarant mécontents, constitue déjà - en soi- un niveau très insatisfaisant et même inquiétant. La mise en perspective de cette photographie est encore plus préoccupante : le niveau d'insatisfaits parmi le personnel hospitalier soignant est en effet quasiment deux fois supérieur à celui observé en moyenne auprès de l'ensemble des Français en activité (40% contre 21%). Accessoirement, comme Gaël Sliman le souligne dans sa synthèse, ce haut niveau d'insatisfaction explique sans doute la puissance de la colère sourde des personnels soignants qui sont tout de même 87% à soutenir les mouvements sociaux actuels d'opposition à la réforme de la fonction publique.
Or ce mécontentement voire cette colère a des conséquences importantes - et pas uniquement sur un plan politique - mais bien sur la qualité perçue des soins.
En effet, la littérature - médicale mais aussi plus globalement "RH" - montre qu'il existe une corrélation étroite entre la satisfaction des personnels et celle des clients/patients. Il n'est donc pas possible de ne pas faire la corrélation entre ce niveau très élevé d'insatisfaction chez les personnels hospitaliers soignants et la spectaculaire poussée de l'insatisfaction patient enregistrée notamment sur le béromètre santé 360**. Lors de la dernière vague publiée le 26 mars, on observait une multiplication par près de trois de l'insatisfaction-patient en moins de 3 ans (passant de 9% en mai 2015 à 24% en mars 2018).
Il y a donc urgence à réenchanter nos personnels soignants, d'abord pour eux qui sont si investis dans leur travail et qui le méritent, et, ensuite pour la qualité même de la perception de nos soins.
La 3ème information clé de notre carnet de santé est évidemment liée aux deux précédentes et concerne la faible appétence des personnels hospitaliers concernant la e-santé :
Si les personnels hospitaliers interrogés sont - comme tout lemonde - persuadés des bénéfices pratiques que peut apporter la e-santé, notamment aux patients, ils sont en revanche beaucoup plus circonspects quant à ses impacts positifs sur leur propre quotidien. Ainsi, contrairement aux directeurs d'hôpital, aux patients et aux médecins (plus de 70% pensent que ces outils feront "gagner du temps" aux personnels soignants), ils ne croient pas que ces nouveaux outils et services leur feront gagner du temps. Bien au contraire, ils sont même une nette majorité (55%) à être persuadée que leur développement leur fera "perdre du temps". Or dans la situation de stress qui est la leur, le temps constitue un enjeu clé.
Parvenir à leur prouver que les nouveaux services et outils apportés par les nouvelles technologies leur permettront de retrouver du temps, notamment pour le consacrer à la relation humaine avec les patients (ils déplorent de ne plus avoir assez de temps pour celle-ci) pourrait constituer un levier efficace de leur confiance en l'avenir et de leur satisfaction au travail.
Par contre-coup, cette confiance pourrait bien jouer sur tous les indicateurs sombres relevés dans notre enquête. Il s'agit donc d'un enjeu majeur et cette question du temps est justement un sujet que nous allons très prochainement creuser.
*La MNH remercie les 820 adhérents interrogés dans le cadre de ce sondage.
** Le baromètre 360 est un sondage trimestriel réalisé par Odoxa pour MNH GROUP, Orange Healthcare, l'ASIP, le figaro santé, France Inter et la Chaire Santé de Sciences Po.