La crise sanitaire doit être l’occasion d’adopter une approche plus globale de la santé, qui s’intéresse aussi bien au physique qu’au mental. C’est ce que promeut Aude Caria, directrice de Psycom, l’organisme public national d’information et de lutte contre la stigmatisation en santé mentale.

 

Quel a été l’impact de la Covid-19 sur la santé mentale des Français ?

Aude Caria : Après un an et demi de crise sanitaire et de restrictions, 18 % des personnes interrogées disaient souffrir d’un état dépressif et 23 % d’anxiété (contre 10 et 15 % avant la pandémie). Surtout, les pensées suicidaires concernaient 10 % des gens, contre 4,5 % en 2019. La situation est si préoccupante que les médias et les politiques se sont enfin mis à parler de santé mentale. C’est aussi devenu un sujet dans les repas de famille, autour de la machine à café…. Il y a eu une prise de conscience collective du fait que nous avons toutes et tous une santé mentale, aussi importante que notre santé physique.

 

Pourtant les patients attendent encore trop souvent que leur pathologie soit bien installée, donc plus lourde à traiter, avant de consulter…

A. C. : Si le sujet a émergé dans la sphère publique, il reste en effet tabou à l’échelle individuelle. Par peur ou par honte, les gens mettent du temps avant d’en parler. Et, quand ils cherchent de l’aide, ils ont du mal à savoir vers qui se tourner : Internet regorge d’informations diverses, parfois contradictoires et pas toujours fiables sur la santé mentale. C’est d’ailleurs l’une des missions du site Psycom – Santé Mentale Info (www.psycom.org) de fournir au grand public des informations vérifiées et indépendantes sur les troubles psychiques, les soins et les aides disponibles. Nous participons également à des campagnes de communication visant à déstigmatiser ces pathologies. Mais, pour que les gens arrivent enfin à parler de leur santé mentale comme ils parlent de leur dos ou de leurs artères, il faudrait arrêter de la traiter à part et l’intégrer dans une approche plus globale de la santé. 

Que peuvent faire les soignants hors de la psychiatrie ?

A. C. : Les soignants devraient être mieux formés à repérer les signes d’alerte et, quand il y en a, à initier le dialogue, même quand le patient vient consulter pour un symptôme physique. Pour les aider, nous mettons des ressources à leur disposition, notamment la liste des lignes d’écoute vers lesquelles il est possible d’orienter les patients en fonction de leur âge, du trouble dont ils souffrent, de leurs difficultés ou de leur profession.

Et si les soignants eux-mêmes vont mal ?

A. C. : Nous avons aussi listé les lignes d’écoute dédiées aux professionnels de santé, qu’ils soient médecins, infirmiers, pharmaciens, directeurs d’hôpitaux, internes…

 

Qu’ont changé les Assises nationales de la psychiatrie et de la santé mentale, qui se sont tenues fin septembre 2021 ?

A. C. : Des actions concrètes se mettent en place. Un numéro national de prévention du suicide, le 3114, a été créé. L’Assurance Maladie s’apprête à rembourser les séances chez le psychologue quand elles sont prescrites par un médecin. Des mesures complémentaires ont aussi été annoncées fin janvier par le gouvernement, notamment la création de lits à la demande ou la création d’équipes mobiles psychiatriques intervenant auprès des personnes âgées en EHPAD et autres Établissements Médico-Sociaux.

  

[1] Enquête CoviPrev : ici

2 https://www.psycom.org/sorienter/les-lignes-decoute/

3 https://www.psycom.org/sorienter/les-lignes-decoute/#soignants-et-professionnels-de-sante-61d70448ebef8

4 https://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/mise-en-oeuvre-de-la-feuille-de-route-sante-mentale-et-psychiatrie

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