En France, 23 000 sages-femmes exercent à l’hôpital ou en libéral. Parmi elles, 3 % sont des hommes. Mais comment devient-on sage-femme/maïeuticien ? Avec quelles envies ?

 

MNH mag donne la parole à deux étudiants de l’école de sages-femmes du CHU de Rennes : Islane Bettal, 21 ans et Marvin Le Moine, 25 ans.

 

Quel est votre parcours ?

IB. Assez classique. Je me suis lancée après avoir obtenu un bac scientifique.

ML. Un peu plus original. J’ai déjà un CAP agricole et une licence SVT… Mais je ne fais pas sage-femme par dépit. Simplement, je me suis mieux renseigné sur ce qu’était réellement ce métier.

 

Quelles sont vos motivations ?

IB. Je ne suis pas obnubilée par les bébés ! En maternité, je savais que je me sentirais dans mon élément. Avec la médicalisation et le manque de gynécologues, les sages-femmes endossent plus de responsabilités qu’avant. Ce qui rend le métier plus intéressant.

ML. Derrière les actes techniques, il y a le relationnel. L’accouchement est un moment de l’accompagnement personnalisé qui lui, dure neuf mois, pendant lesquels on attend de nous autant de conseils que de gestes médicaux.

IB. La sage-femme est en première ligne sur les questions de société pour aborder des sujets aussi intimes que la sexualité, l’orientation sexuelle, la famille, l’éducation ou les relations conjugales.

 

Quel est votre cursus ?

IB. Pour devenir sage-femme, il faut obtenir un diplôme qui se prépare en quatre ans dans une école de sages-femmes rattachée à un CHU.

Pour y rentrer, il fallait encore l’an dernier suivre une première année commune aux études de santé (PACES) avec concours et numerus clausus. Cette première année, ce fut vraiment une grande souffrance. Tous les deux l’avons redoublée. Mais je suis très fière de m’être accrochée. En maïeutique, il y avait 27 places disponibles pour 350 candidats... De toute façon, je n’avais pas de plan B !

ML. En PACES, on met sa vie entre parenthèses pour se focaliser sur les études. C’est très dur. En comparaison, l’école de sages-femmes est un vrai bonheur.  Les deux premières années sont consacrées à assimiler le b.a.-ba, en mixant théorie et pratique. Il y a les cours classiques et les séances de travaux pratiques (TP).

En 2e année, nous devons effectuer cinq stages de deux semaines dont deux stages dans des services de chirurgie et de médecine pour apprendre les gestes infirmiers. Plus on avancera dans nos études, plus la pratique sera importante. Avec la possibilité de partir en stage à l’étranger.

 

Quelles sont vos premières expériences ?

IB. Pour l’instant, j’ai effectué deux stages en suites de couche, un séjour en orthogériatrie. Ce dernier m’a bien confirmé que je voulais être sage-femme, pas gériatre ni aide-soignante.

ML. Moi je suis déjà passé en salle de naissance, en cardiologie et en suites de couche. Je me suis senti très bien accueilli. On regarde faire ceux qui savent, on apprend par mimétisme. Mais on nous confie très vite des responsabilités. Comme réaliser un examen, effectuer une prise de sang ou poser un cathéter.

IB. On ne nous cocoone pas. Si on aime prendre des initiatives, on est très vite dans le bain !

 

Des surprises ?

IB. J’avais sous-évalué le poids des relations hiérarchiques dans les services. C’est encore très "vertical". Entre professionnels, on ne se parle pas toujours très bien. La façon d’aborder le corps des femmes me pose aussi question. Quand un médecin dit « Je me permets… » en début d’examen, je suis gênée. Notre génération est très sensible à la notion de consentement. Je savais que l’hôpital manquait d’argent, de moyens techniques et humains. C’est confirmé.

ML. Et prioriser de l’humain, c’est compliqué. On aimerait passer plus de temps avec chaque patient.

 

La profession au masculin

ML. Dans la promo, nous ne sommes que deux garçons. À l’école comme à l’hôpital, c’est plutôt un atout : on se souvient de nous ! Pour des raisons culturelles ou religieuses, certaines femmes sont un peu réticentes. Mais la plupart n’y trouvent rien à redire. Je me mets quand même un peu plus de pression. Je fais attention à mes postures, au choix des mots. Je ne veux pas être maladroit. 

IB. La masculinisation du métier me rend très heureuse. Être un homme, se consacrer aux femmes, aux bébés avec autant de respect… C’est un engagement fort pour faire évoluer une société patriarcale.

 

Comment envisagez-vous votre avenir ?

IB. Idéalement, j’aimerais travailler en "maison de naissance". Où la prise en charge de la grossesse est moins technicisée, l’accouchement plus physiologique. Exercer en cabinet libéral me plairait aussi. Réaliser des accouchements à domicile ne m’effraie pas.

ML. Je resterai à l’hôpital public mais si possible dans une mission à caractère humanitaire. Auprès de femmes en prison ou à la rue par exemple. Je suis pompier volontaire, bénévole à la Croix-Rouge. Je connais les situations de détresse.

 

Souhaitez-vous des enfants, plus tard ?

ML. Oui, sans aucun doute.

IB. Peut-être. Et pourquoi pas l’adoption. Mais je suis encore trop jeune pour y penser sérieusement. Ce que je sais, c’est que l’on ne devient pas sage-femme parce que l’on aime simplement pouponner.

Etre sage-femme, c’est avoir envie de faire grandir les gens et la société. Et de la plus jolie des manières avec la joie d’une naissance.

Olivier Brovelli

 

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