Quels risques psycho-sociaux sont les plus prégnants aujourd’hui à l’hôpital ? Quel a été l’impact de la crise Covid ? Quelles solutions mettre en place ? Éléments de réponse avec le Dr Alice Alvarez, présidente Association nationale de médecine du travail et d’ergonomie du personnel des hôpitaux.
Quels sont les principaux risques professionnels à l’hôpital aujourd’hui ?
Dr Alice Alvarez : les risques psychosociaux (RPS) et les risques liés aux manutentions lourdes sont ceux qui génèrent le plus de pathologies. Les médecins sont plutôt soumis aux RPS liés à leur haut niveau de responsabilité, les pressions ressenties, les horaires, le rythme de travail… Les professionnels paramédicaux (infirmier(e)s, aides-soignant(e)s, brancardiers…) sont, quant à eux, davantage soumis aux RPS liés au sentiment de ne pas pouvoir faire un travail d’assez bonne qualité, à la non-reconnaissance, à un rythme limitant l’équilibre entre vie privée et professionnelle… Mais aussi à des contraintes physiques (manutentions lourdes, gestes répétitifs, cadences soutenues…). Ces risques entraînent des troubles musculosquelettiques, tout en ayant un impact sur leur santé psychique.
La situation s’est-elle complexifiée depuis la crise sanitaire ?
A. A. : Le malaise date d’avant la Covid. Le grand mouvement de sympathie qu’a connu le personnel médical pendant l’épidémie avait soulevé de grands espoirs… qui ont très vite disparu. Hier, personne dans nos bureaux ne parlait de démission. Aujourd’hui, nous avons plusieurs fois par semaine des personnels qui cherchent à se repositionner professionnellement. Bien sûr, chaque établissement, chaque service est différent. Mais c’est un mouvement de fond.
Quels types de prévention existent aujourd’hui ?
A. A. : On définit trois niveaux de prévention : primaire1, secondaire2 et tertiaire3. Ils relèvent tous de la responsabilité de l’employeur. La prévention primaire (visant à réduire les maladies, les accidents et les handicaps) est à prioriser autant que possible. La radioprotection, encadrée règlementairement (conseiller en radioprotection, dosimétrie, suivi médical, visites régulières des autorités...) en est un bon exemple. Mais la prévention des autres risques n’est pas autant structurée et dépend de la politique institutionnelle, des projets d’établissement et de services, ainsi que des moyens alloués.
Ainsi, un des leviers de la prévention des RPS est la qualité de vie au travail (QVT). Au sein des services, les temps d’échange, les réunions où l’on parle d’organisation, les équipes pluri-professionnelles ou les débriefings de situations traumatiques sont des moyens de redonner du sens au travail, de faire vivre le collectif, d’améliorer la QVT et de réduire les risques psycho-sociaux. Mais cela impose une démarche des managers et du temps, ce qui implique des effectifs (et leur financement), donc un appui institutionnel.
Existe-t-il des soutiens possibles ?
A. A. : Les services de prévention et de santé au travail (SPST) doivent être impliqués dans une politique de prévention coordonnée institutionnellement afin d’être déclinée dans chaque projet. Trop souvent, les SPST interviennent en prévention tertiaire, quand les soignants ne peuvent plus faire leur métier. Aujourd’hui, chaque nouvelle organisation se pense à l’aune de la consommation énergétique et de l’empreinte carbone. Il est temps d’inclure la prévention de la même façon : le plus en amont possible.
Propos recueillis par Sophie Caux-Lourié
Dr Alice Alvarez,
Présidente Association nationale de médecine du travail et d’ergonomie du personnel des hôpitaux.
1 Prévention primaire : ensemble des mesures visant à éviter ou réduire la survenue ou l'incidence des maladies, des accidents et des handicaps.
2 Prévention secondaire : intervention qui cherche à diminuer la prévalence d'une maladie dans une population, comme les troubles musculosquelettiques qui ont des impacts sur la vie quotidienne hors de l’hôpital. Les risques de burn-out ou autres conséquences psychosociales entrent dans ce domaine.
3 Prévention tertiaire : elle intervient après la survenue de la maladie afin de réduire les complications et les risques de rechute.