8,3 millions de personnes en France aident régulièrement un proche âgé, malade ou en situation de handicap et 47% d'entre elles travaillent. Dans ce contexte, l'idée d'un "droit au répit" fait son chemin dans les consciences comme dans la loi. Pour autant, les aidants familiaux ne connaissent pas toujours les aides dont ils peuvent bénéficier. Le point sur les dispositifs existants.
Le droit au répit, c'est pour qui ?
La loi de 2015 relative à l'Adaptation de la Société au Vieillissement a instauré un droit au répit pour les aidants de personnes âgées de plus de 60 ans en situation de dépendance (GIR 1, 2 ou 3) (1). Cette loi prévoit notamment, dans le cadre de l’APA (Allocation personnalisée d’autonomie), une possibilité de prise en charge de la personne aidée lorsque son aidant a besoin d’être relayé par des structures professionnelles.
Le répit en pratique
Avant que ce droit au répit ne soit inscrit dans la loi, il existait déjà des solutions pour les personnes s’occupant d’un enfant malade, d’un proche âgé ou en situation de handicap.
- L’accueil temporaire
Institué en 2004, il s'adresse aux personnes handicapées de tous âges et aux personnes âgées, vivant à domicile. Cet accueil en établissement sanitaire ou médico-social est conçu pour offrir à l’aidant familial une période de répit ou répondre à des situations d’urgence en matière d’hébergement.
A ne pas confondre avec : L’accueil de jour pour les personnes âgées ou encore l'accueil familial qui permet l'accueil de personnes en difficulté de vie au sein de familles agréées auprès du Conseil Départemental.
- Le relayage à domicile
Les personnes qui s’occupent elles-mêmes de leur proche en situation de handicap ou de dépendance n’ont pas toujours les moyens financiers de bénéficier ponctuellement d’intervention de professionnels pour les suppléer. En la matière, une initiative venue du Canada, le "baluchonnage" (rebaptisé relayage) va prochainement être expérimentée en France (2) . Rebaptisé relayage, ce dispositif consiste pour le proche aidant à passer le relais à un professionnel qui vient à son domicile.
- Des séjours de vacances adaptés (quelques exemples)
L’UFCV (Union Française des centres de vacances et de loisirs) est le principal organisateur de séjours de vacances adaptées en France, pour adultes, enfants et adolescents en situation de handicap mental, de polyhandicap ou atteints de troubles du développement.
France Alzheimer met en place des séjours de vacances pour les personnes âgées fragiles ou malades et leurs aidants.
Concilier rôle d’aidant et vie professionnelle
- Le congé de proche aidant
Il est ouvert à tous les salariés du secteur privé, avec ou sans lien de parenté avec la personne qu'ils aident. Le maintien dans l'emploi est garanti mais le congé n’est pas rémunéré. A noter : la possibilité d’un dédommagement est à l’ordre du jour de la concertation nationale Grand âge et autonomie lancée en octobre dernier et qui devrait aboutir à un projet de loi fin 2019.
- Le congé de solidarité familiale
Il est ouvert aux salariés des secteurs privés et publics, et concerne l'accompagnement d'un proche en fin de vie. Il est non rémunéré, mais l’aidant peut sous conditions bénéficier de l'allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie.
- Le congé de présence parentale
Pour les parents s'occupant d'un enfant de moins de 20 ans gravement malade, accidenté ou handicapé, c’est un crédit de 310 jours de congés sur une période de 3 ans. Non rémunéré, il ouvre droit, sous conditions, à l'allocation journalière de présence parentale
- Le don de jours de repos
Un salarié peut renoncer à tout ou partie de ses jours de repos au profit d'un collègue dont un enfant est atteint d'une maladie, d'un handicap ou victime d'un accident grave. Ce don, anonyme et sans contrepartie, permet au salarié bénéficiaire d'être rémunéré pendant son absence.
Céline Collot
(1) Groupe iso-ressources et niveau de perte d'autonomie
(2) Dans le cadre de la loi du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance, une dérogation à la législation du travail est prévue pour permettre à des professionnels de l'aide à domicile, de relayer pendant plusieurs jours consécutifs des personnes qui aident un proche souffrant d'une pathologie lourde.
Bien plus qu'un séjour de rupture
Créée en 2013 à l'initiative de médecins du Centre Léon Bérard de Lyon, d'aidants familiaux et de l'association Le Petit Monde, la Fondation France Répit a pour vocation la mise en place de solutions innovantes pour les familles éprouvées par la maladie, le handicap ou la dépendance à domicile. Une expérimentation grandeur nature, que nous détaille Henri de Rohan-Chabot, Délégué général de la fondation.
Pourquoi "le droit au répit" est-il en train de devenir un enjeu de santé publique ?
Henri de Rohan-Chabot : Tous les aidants n’ont pas besoin d’être aidés, mais quand le quotidien devient trop éprouvant, le répit n’est pas seulement un droit, il devrait aussi être considéré comme "un devoir", car de la bonne santé de l’aidant dépend celle du proche aidé.
Si la problématique n’est pas nouvelle, elle tend à s’accentuer en raison des progrès de la médecine notamment. On vit aujourd’hui plus longtemps avec des maladies chroniques ou des handicaps sévères et "le virage ambulatoire" a fait du domicile le lieu naturel du soin. Avec des conséquences parfois très lourdes pour les aidants familiaux, quand ils sont sur-sollicités et obligés de réduire leur temps de travail, voire d’arrêter de travailler…
La maladie ou le handicap vécus à domicile nécessitent une approche globale et c’est tout l’objet de la création notre Fondation : inventer de nouvelles modalités d’accompagnement des familles qui prennent soin d’un proche fragilisé.
En quoi votre démarche est-elle novatrice ?
Un peu "décentrée" du patient, elle s’attache aux difficultés de la relation d’aide et de l’aidant lui-même. L’expérimentation a démarré en janvier 2018 avec la mise en place de l’Equipe mobile de répit. Elle se rend au domicile des familles pour évaluer la situation, puis les orienter vers les dispositifs les plus appropriés, notamment vers la Maison de répit, second pilier de notre projet. Nous avons ouvert, en octobre dernier près de Lyon, ce lieu qui permet d’accueillir enfants et adultes malades ou en situation de handicap ainsi que leurs proches aidants (voir encadré). Chaque patient qui répond aux critères d’admission dispose de 30 jours de répit par an, consécutifs ou fractionnés.
Pourquoi une maison de répit alors qu’il existe déjà l’accueil temporaire ?
C’est bien plus qu’un séjour de rupture. Avant, pendant et après le séjour, l’équipe mobile de répit mène un travail d’accompagnement familial. "Poser les valises", faire le point, mettre des mots sur ce qui est difficile : il faut du temps pour cela…
Autre différence majeure : l’accueil temporaire est réservé aux personnes handicapées ou âgées, alors que la Maison de répit accueille à la fois des enfants et des adultes (jusqu’à 60 ans), malades ou en situation de handicap, ainsi que leurs aidants. Ce décloisonnement est déjà en soi une petite révolution !
Comment va évoluer le projet en 2019 ?
Au niveau de la métropole de Lyon, nous avons répertorié plus de 400 initiatives, publiques, associatives et privées : cafés des aidants, formations, relayage, séjours de répit, accueil séquentiel, services innovants émanant de start-up, etc. Notre démarche vise à réunir tous ces porteurs de solutions au sein d’un collectif, "Métropole aidante", afin les labelliser et de les faire connaître. D’abord à travers un site internet qui sera mis en ligne en juillet, mais également un lieu d’accueil et d’information, sorte de "guichet unique" pour tous les aidants de la métropole
A quand un déploiement national ?
Avant tout, il faut mesurer l’efficacité de cette première expérimentation. Pour cela, nous avons mis en place un programme de recherche clinique et médico-économique. Il s’agit d’évaluer l’impact du dispositif de répit sur la qualité de vie des familles qui en bénéficient, mais aussi de voir en quoi il modifie les parcours de soin. Enfin, le programme vise à mesurer le coût réel du dispositif en tenant compte des "économies cachées". En effet un aidant mieux accompagné, qui bénéficie de répits réguliers, va coûter moins cher à notre système de santé qu’un aidant épuisé qui va demander des arrêts de travail, consulter des médecins pour lui-même, prendre des médicaments, et qui, tellement épuisé, risque au final de faire hospitaliser son proche en dernier recours… Telle est l’hypothèse que nous souhaitons vérifier avant de déployer nos actions sur d’autres territoires. Notre objectif serait de construire une douzaine de maisons de répit supplémentaires en France métropolitaine, soit une par région.
La Maison de répit : un projet pilote de la métropole de Lyon
Le premier établissement dédié au répit en France a ouvert ses portes le 1er octobre 2018 à Tassin, près de Lyon. Il dispose au total de 21 chambres et studios pour accueillir des familles éprouvées par la maladie, le handicap ou la dépendance à domicile.
L’équipe permanente réunit une trentaine de professionnels, soignants et personnel d’accueil. De plus, 80 bénévoles prennent part à la vie de la maison : jardinage, présence auprès des personnes, aide aux repas, animation d’activité, etc.
Ce projet, d’un montant de 5,5 M€, a été financé par la Fondation France Répit, grâce à de nombreux mécènes (grandes entreprises, fondations et groupes de protection sociale) et des subventions des collectivités territoriales. Les frais de fonctionnement sont assurés par un agrément de l’Agence Régionale de Santé, ce qui permet aux aidants d’être accompagnés gratuitement par l’équipe mobile de répit. Pour les séjours, le reste à charge pour les familles est de 20 euros par jour et par personne, mais les mutuelles pourraient prochainement le prendre en charge (gratuit pour les enfants).
Gérée en partenariat avec la Fondation OVE, la Maison a été pensée à la fois comme un lieu de soin sécurisé et un lieu de vie à part entière.
La MNH propose à ses adhérents retraités des solutions de répit
Pour plus d'infos, contactez le 3031 (Service et appel gratuits) du lundi au vendredi de 8h30 à 18h ou rendez-vous sur www.mnh.fr