Des observateurs prônent un changement radical de posture chez les managers du secteur sanitaire et médico-social pour créer de vraies synergies d’équipe où la parole et la juste place de chaque professionnel sont respectées et valorisées. Décryptage avec Philippe Denormandie, chirurgien et conseiller santé du président et du directeur général du groupe nehs.

 

« La crise a révélé et accentué des dysfonctionnements existants au sein des établissements de santé et particulièrement dans le service public hospitalier. Mais elle a aussi montré que lorsque l’on lâche la bride aux équipes, elles déploient une capacité d’initiative et d’organisation créative. Le risque serait que, trop rapidement, on revienne en arrière… », analyse Philippe Denormandie. Le praticien hospitalier dit l’urgence d’un changement des approches managériales pour une organisation intelligente des services : « Le Ségur de la santé l’a montré – et bien avant, d’autres travaux de réflexion et de synthèse sur nos métiers1 –  les soignants n’ont pas uniquement besoin de revalorisation salariale mais d’être entendus sur l’organisation du travail, le choix du matériel, l’environnement des unités, l’accompagnement des patients. Or l’hôpital a un mode de fonctionnement très vertical et taylorien où l’économie a pris le pas sur le métier dans les modes de management : il est demandé à l’aide-soignante, à l’infirmière, à l’interne, au médecin d’exécuter mais pas de réfléchir, de participer, de proposer… »

 

Réinventer les pratiques managériales dans une approche décloisonnée


Quelles solutions pourraient être mises en place ? Plusieurs pistes sont possibles. Ainsi, dans son rapport remis au ministre de la santé en juin 2020 sur la gouvernance et la simplification hospitalière2, le Pr Olivier Claris propose 27 « bonnes pratiques managériales à généraliser ». Parmi elles, il est question d’un binôme chef de service-cadre de santé, présenté comme un véritable « attelage managérial majeur », qui doit assurer un véritable rôle de cadre de proximité pour manager les équipes et piloter les sujets.
Ce rapport pointe également des freins à la mise en place de ces nouvelles pratiques managériales : outre le manque de moyens humains, sont invoqués le sentiment de coupure entre direction et soignants « provoquant un manque d'implication des intelligences de terrain dans les décisions stratégiques », mais aussi les interruptions de tâches incessantes (sollicitations téléphoniques, avis urgents, demande de rendez-vous, mais aussi visites et consultations menées de front...).
D’autres propositions sont par ailleurs avancées, plébiscitées par les professionnels de santé interrogés3 : des moyens de gestion des effectifs plus souples, autonomes et réactifs (utilisation du dispositif Whoog qui facilite le remplacement en urgence des professionnels de santé absents,  ou la mise en œuvre d’horaires en 12 h/jour sur la base du volontariat), l’organisation de réunions rapides de type « lean management » pour résoudre un problème en équipe, la désignation de référents… Citons encore la méthode Buurtzorg (« soins de proximité » en néerlandais), née aux Pays-Bas à l’initiative d’un infirmier qui a mis en place des équipes de soins à domicile autonomes dans la prise de décision et l’organisation du planning, modèle en outre économiquement rentable.

Suzanne Nemo

1Citons par exemple le rapport El Khomri sur l’attractivité des métiers du grand âge ou la concertation Grand âge et autonomie de Dominique Libault, tous deux parus en 2019.

2Mission sur la gouvernance et la simplification hospitalières confiée au Pr Olivier CLARIS

3 Lire aussi Manager dans le secteur sanitaire et médico-social de Christine Benoit et du Dr Christine Passerat (Gereso Édition)

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