Dans sa Stratégie nationale Sport Santé 2019-2024, l’État prévoit d’augmenter de 20 % la pratique d’activités physiques dans les Ehpad. Où en est-on aujourd’hui ? Le point avec le Pr. Yves Rolland, professeur en médecine interne et gériatrie au Gérontopôle du CHU de Toulouse.
L’objectif est-il atteint ?
Yves Rolland : Difficile de le dire précisément, nous ne disposons pas de chiffres nationaux. Ce qui est sûr, c’est que la majorité des Ehpad proposent aujourd’hui des activités physiques à leurs résidents. Ils ont une personne dédiée à cette mission – un professeur d’activité physique adaptée (PAPA), un kinésithérapeute ou une autre personne en interne – et ils font appel à des associations spécialisées comme Siel Bleu.
Ce n’était pas déjà le cas avant ?
Y. R. : Pas toujours. Les activités physiques répondent à la plupart de leurs objectifs : maintien de l’autonomie, ralentissement du déclin fonctionnel, prévention des chutes, des maladies chroniques et de la démence, réduction des troubles psychiques (anxiété, dépression…) et du sentiment de solitude*… Mais le sport a trop longtemps renvoyé aux notions de compétition, de performance, de jeunesse. Pas du tout au secteur des Ehpad. C’est pourquoi on préfère aujourd’hui parler d’activités physiques. En outre, les infirmiers et aides-soignants n’étaient pas formés pour cela. Il a fallu attendre la loi de modernisation de notre système de santé, en 2016, et la promotion du sport sur ordonnance pour que le métier d’éducateur en activité physique adaptée (APA) trouve sa place.
Le manque de temps et de moyens, souvent souligné par les Ehpad, n’est-il pas aussi un frein ?
Y. R. : Tout à fait, mais probablement moins qu’avant. Dans le cadre de la Stratégie nationale Sport Santé, les mécanismes de financement des Ehpad ont évolué pour que l’APA rentre dans leurs missions. Depuis 2019, inscrire ce type d’activité dans les projets d’établissements des résidences autonomie et des EHPAD est une attente des agences régionales de santé pour prévenir les problèmes de santé et de dépendance des résidents. Les programmes restent néanmoins assez hétérogènes d’un site à l’autre.
Quelles activités physiques peut-on proposer, notamment aux résidents qui n’ont jamais fait de sport et n’ont pas envie de s’y mettre ?
Y. R. : De façon générale, il faut établir un programme qui combine, au cours de la semaine, le travail de l’endurance, de l’équilibre, de la souplesse et de la résistance musculaire. Il peut comporter de la marche, de la gymnastique douce, de la danse… Ce qui compte le plus, comme pour n’importe quel autre public, c’est que les gens y trouvent du plaisir. Pour donner envie, on peut notamment s’appuyer sur les autres vertus de l’activité physique. À une personne sociable, par exemple, on peut proposer d’aller à la rencontre d’un autre résident. Ainsi, on la fera marcher sans qu’elle s’en rende compte. Il est important de s’inscrire dans le projet de vie du résident, de tenir compte de ses goûts et appétences.
Peur de se blesser ou d’avoir mal, fatigue, manque d’intérêt…
Quelles attitudes adopter face au manque de motivation d’un résident ? Dans ses recommandations en matière de « Consultation et prescription médicale d’activité physique à des fins de santé chez l’adulte », la Haute Autorité de santé donne quelques pistes (voir le tableau 22).
Propos recueillis par Émilie Tran Phong
* Activité physique : contexte et effets sur la santé, Inserm, 2008
Le Pr. Yves Rolland