Après les applaudissements, les menaces. Aux violences souvent verbales, s’ajoutent les agressions physiques dont de plus en plus de soignants sont victimes sur leur lieu de travail. La Covid a fait monter d’un cran l’angoisse, les tensions et l’émotion dans les salles d’attente. Comment réagir ? Comment s’en prémunir ?

Le Capitaine Olivier Di Lullo, chef du pôle média et des relations de presse à la direction générale de la Police Nationale, et Bernard Dorland, coordonnateur général des soins du Groupement hospitalier de territoire (GHT) Grand Paris Nord-Est, nous livrent leur point de vue.

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Capitaine Olivier Di Lullo

Comment mieux assurer la sécurité dans les hôpitaux ?
Nous partageons avec les hôpitaux cette mission de ser­vice public, c’est pourquoi des personnels sont dédiés à une meilleure circulation de l’information entre les struc­tures hospitalières et la police nationale. La Covid nous a tous mis à l’épreuve, mais les violences verbales, et aussi physiques, augmentent envers celles et ceux qui nous soignent. La Direction générale de la police nationale (DGPN) met tout en œuvre pour aider les soignants dans la gestion de ces situations parfois très tendues au sein même des hôpitaux dans lesquels nous pouvons directement interve­nir. Les commissaires de police et les responsables hospitaliers définissent ensemble la meilleure stratégie pour éviter ces écueils. J’ai assumé pendant plusieurs années des responsabilités à Créteil et me souviens précisément des difficultés rencontrées à Henri-Mondor et à l’intercommunale de Créteil. J’étais en lien per­manent avec les référents sûreté et sécurité des hôpi­taux. Nous avons élaboré ensemble un protocole qui peut être formel ou informel pour nous coordonner en cas d’événement particulier.

Quelles facilités pour le personnel hospitalier ?
Cela permet aux services de police d’organiser très rapi­dement les rendez-vous pour éviter les temps d’attente aux soignants et personnels des hôpitaux victimes de ces actes. Les stratégies peuvent aussi inclure des numéros d’appel dédiés pour accéder directement aux services de police dans les commissariats. Cela nous permet d’intervenir très rapidement. À la demande des direc­teurs d’hôpitaux, nous pouvons aussi établir des contacts privilégiés avec certains services hospitaliers, organiser des rondes et des patrouilles afin d’identifier les tensions et les individus qui prennent les soignants pour cibles. D’abord dissuasif, notre rôle est aussi d’intervenir.

« Face aux actes de violence et de malveillance, faire immédiatement une pré-plainte
en ligne.1 »

Que leur conseillez-vous ?
Lorsque la violence éclate, la première démarche que je conseille aux soignants victimes d’actes de violence et de malveillance est de faire immédiatement une pré-plainte en ligne. Ce préenregistrement permet d’obtenir rapidement une convocation pour venir confirmer le dépôt de plainte sans attendre au commissariat. Ensuite, j’attire l’attention sur l’existence de réfé­rents dédiés aux services de santé et aux hôpitaux dans chaque com­missariat et direction départementale. Dès que la situation peut basculer vers de la violence physique, les personnels hos­pitaliers doivent se mettre en retrait et composer immédiatement le 17. La police peut interpeller les personnes partout, y compris au sein même des hôpitaux. Pour éviter l’escalade, il convient d’éviter le contact, de gar­der son calme et de ne pas monter le ton. Les soignants ne doivent en aucun cas rester seuls et conserver autant que possible une distance raisonnable d’un à deux mètres. Face à une personne qui s’énerve, on se met en retrait. Aucune situation même dans les services d’urgence ne mérite une violence physique, il faut savoir s’en préserver.

Bernard-Dorland
Bernard Dorland

Que constatez-vous ?
En Seine-Saint-Denis, la délinquance est importante et tous les indicateurs de santé publique sont dans le rouge. Les soignants y sont régulièrement menacés, victimes de violences verbales, mais aussi physiques, comme dans les hôpitaux d’Aulnay-sous-Bois, de Montreuil et du Raincy-Montfermeil qui regroupent 1 800 lits et 5 000 personnels. Ces problèmes concernent en priorité les urgences, où les familles peuvent aussi se bagarrer entre elles. L’attente et l’inquiétude génèrent quoti­diennement de l’agressivité, des agressions verbales de patients, mais aussi des accompagnants. La Covid a clairement accentué les choses. L’interdiction des visites a été terrible à gérer, y compris dans les maternités. Les cadres de santé sont aux côtés des soignants 24 h/24 face à ces difficultés. Ce sont les premiers interlocuteurs vers lesquels il faut se tourner de jour comme de nuit.

« L’interdiction des visites a été terrible à gérer, y compris dans les maternités. »

Quelle procédure suivre ?
Les insultes sont le lot quotidien, mais lorsque cela dépasse les bornes, le cadre peut procéder à une décla­ration d’événement indésirable et accompagner le soi­gnant pour faire valoir ses droits. Lorsque l’agression est avérée, la déclaration auprès de la médecine du tra­vail doit être réalisée dans les 48 heures et le certificat transmis à la DRH dans le cadre d’une protection fonc­tionnelle. Si la personne a besoin d’un avocat, d’aller en justice, elle sera accompagnée par une protection organisée par l’administration. Agresser du person­nel soignant est grave. Les violences souvent verbales, comme les menaces de mort, sont punies de peines de prison. Nous affichons clairement aux urgences que toute violence fera l’objet de poursuites y compris par l’hôpital. Lors d’une agression physique suivie d’une ITT, l’établissement, en complément de la plainte de l’agent, peut même se porter partie civile.

Quelles sont vos recomman­dations ?
L’arrivée à l’hôpital et les salles d’attente des urgences sont des zones de risques pour les soi­gnants qui doivent faire l’objet de vigilances particulières. La mise en place de médiateurs facilite le dialogue pour désamorcer la violence. Alors quelques conseils : former le personnel notamment dans les services d’urgence, appe­ler les renforts, ne jamais rester seul face à un agresseur et prévenir immédiatement les autres membres de l’équipe. On est à l’hôpital, alors il faut aussi en priorité avoir le réflexe d’emmener la personne agressée aux urgences. Ensuite, l’organisation hospitalière met tout en oeuvre pour accompagner la victime et cela commence par écrire ce qui s’est passé. En cas de récidive, l’agresseur pourra même se voir interdire l’accès à l’hôpital. Cela fait partie du pouvoir de police du chef d’établissement.

1https://www.pre-plainte-en-ligne.gouv.fr

Propos recueillis par Laurence Mauduit

 

 

 

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