En milieu hospitalier, les ateliers de fabrication numérique – appelés aussi fablabs – sont encore rares. Certaines expérimentations se lancent néanmoins. À l’hôpital Bicêtre, le fablab Héphaïstos ouvre une voie prometteuse.
Pendant le premier confinement, des ateliers de fabrication numérique ont tourné à plein régime pour produire des visières de protection, fournis gratuitement aux soignants. Innovation, souplesse et réactivité : la pandémie a mis en lumière la force de frappe des fablabs. Mais rares sont les hôpitaux à avoir déjà apprivoisé le sujet. Localisé à l’hôpital Bicêtre, dans le Val-de-Marne, le fablab Héphaïstos reste une exception.
Par et pour les soignants
Rattaché au groupe hospitalo-universitaire Paris-Saclay AP-HP, l’atelier de fabrication numérique a ouvert en 2018. Il fait tourner un parc de machines légères pilotées par ordinateur, une dizaine d’imprimantes 3D, de découpeuses laser et de brodeuses numériques.
À la disposition des professionnels de l’hôpital, Héphaïstos conçoit et fabrique de petits objets qui facilitent le quotidien des soignants et des patients. « Quand les fablabs s’intéressent à la santé, ils produisent d’abord des outils d’appareillage, des prothèses. Notre champ d’application est beaucoup plus large », distingue Guillaume Eckerlein, directeur de la logistique, des achats et de la qualité hôtelière.
Ainsi, le fablab collabore avec les services de cardiologie, brancardage, urologie, psychiatrie, mais aussi le magasin hôtelier, la direction des soins ou la restauration. Une équipe de quatre à six personnes fait tourner l’atelier sous la conduite de l’agence de design en santé Humaniteam, épaulée par des volontaires en service civique – les Gilets bleus – et des étudiants.
Déjà 180 projets
En trois ans, 180 projets ont été menés à terme avec le soutien financier de la Fondation nehs Dominique Bénéteau. Le premier ? Un adapteur universel de pied à perfusion. Puis Héphaïstos a forgé des crochets pour les poches de médicaments, des reins en 3D pour l’information des patients, des patchs pour colmater des cuves de stérilisation défectueuses… Les services techniques de l’hôpital ont fait appel à ses compétences pour remplacer les roulements à bille des 200 fenêtres coulissantes du bâtiment principal.
À chaque fois, les projets sont validés par le service hygiène et sécurité. Une fois réalisés puis documentés, les fichiers de fabrication sont accessibles à tous en open source.
Esprit low tech
Le fablab assume le profil low tech de ses réalisations, c’est-à-dire misant sur des solutions simples, faciles à mettre en place et peu chères. « La méthode compte davantage, souligne Guillaume Eckerlein. Elle repose sur l’immersion terrain, l’observation des usages, l’expérience utilisateur et le prototypage rapide.»
Ouvert au public hospitalier tous les jours, le fablab « promène » régulièrement ses imprimantes 3D dans les services pour montrer le champ des possibles, faire naître les bonnes idées.
Synonyme d’économie et de développement durable, l’atelier contribue à prolonger la durée de vie des équipements en les adaptant avec des pièces bon marché. « Quand un pied à perfusion non utilisé coûte 75 €, un crochet pour le réparer revient à 75 centimes ! » Le fablab est aussi un levier managérial original. « Il mobilise les équipes autour d’une problématique concrète en misant sur l’autonomie, sans frein hiérarchique ni contrainte budgétaire ».
Quand les patients s’y mettent
À Lorient, le centre mutualiste de rééducation de Kerpape possède lui aussi son propre fablab. Au « Rehab-lab », les patients en situation de handicap viennent concevoir et fabriquer eux-mêmes des aides techniques personnalisées, en compagnie de leur ergothérapeute, sous la supervision des ingénieurs de l’atelier. Comme un support pour tablette, une pièce de fauteuil électrique… Un gros coup de pouce pour l’autonomie et la qualité de vie.
Olivier Brovelli
