Par peur de choquer, par pudeur, par désarroi… les parents atteints d’un cancer peuvent être tentés de passer leur maladie sous silence auprès de leurs enfants1. Pourtant, leur parler est primordial. Léonor Fasse, psychologue clinicienne à l’institut de cancérologie Gustave-Roussy de Villejuif, livre quelques repères pour accompagner au mieux les patients dans ces moments délicats.
Pourquoi est-il primordial pour les enfants d’être informés de ce qui se passe ?
Léonor Fasse : Les enfants sentent bien que quelque chose ne va pas. Ils peuvent s’imaginer mille choses, parfois pires que la réalité, voire se sentir responsables. Il faut donc absolument éviter de leur mentir, pour ne pas abîmer leur confiance dans les adultes (leurs parents, mais aussi les soignants). À l’inverse, la qualité de la communication avec leurs parents est déterminante pour leur capacité à s’ajuster à la maladie.
Est-ce le rôle des soignants en cancérologie de s’impliquer dans cette communication ?
L. F. : Il est primordial de respecter les compétences des parents et de ne pas s’immiscer contre leur gré dans les échanges avec leurs enfants, ni de parler à leur place. Cependant, nous constatons, mes collègues et moi, que les professionnels des services de soins sont parfois démunis face aux questions que leurs patients se posent sur la manière d’aborder la situation avec leurs enfants. Or, apporter un soutien dans ce domaine-là fait aussi partie de l’accompagnement médical.
En pratique, que peuvent faire les équipes ?
L. F. : La première chose est de manifester leur disponibilité aux patients. Et ce, assez tôt dans la prise en charge. Cela peut passer par exemple par des questions du style : « Comment vous sentez-vous par rapport à vos enfants ? Comment pouvons-nous vous aider ? » Les enfants peuvent aussi accompagner la famille lors d’une visite du service, de la chambre, ou pour un rendez-vous si les parents ont des difficultés à expliquer la situation. Ces temps ne sont pas toujours simples à organiser dans des journées déjà bien chargées, mais ils sont nécessaires.
Y a-t-il des mots qu’il faut bannir ou à l’inverse privilégier pour parler aux enfants ?
L. F. : Il n’y a pas de règle absolue. Mieux vaut utiliser des mots adaptés au niveau de compréhension de l’enfant et qui sont employés par la famille. Si l’enfant entend régulièrement des termes inconnus dans les conversations des adultes, il risque de mal les interpréter. Une fois encore, évitons les mensonges. Cela ne sert à rien de promettre que « maman va guérir » si l’on n’en est pas sûr à 100 %. En revanche, affirmer qu’il y a toute une équipe qui fait son maximum pour que maman se sente mieux et guérisse, cela va rassurer l’enfant. Enfin, attention à ne pas faire endosser à l’enfant une responsabilité qui n’est pas la sienne, en disant par exemple qu’il doit être sage ou bien travailler à l’école pour que son parent aille mieux.
Quand peuvent intervenir les psychologues et les psychiatres ?
L. F. : Nous pouvons recevoir les familles quand les difficultés de communication s’installent ou que les parents observent un changement notable dans l’attitude de leur enfant. Nous pouvons également épauler les soignants, en étant à leurs côtés pour certains rendez-vous et en leur proposant des formations régulières à la communication avec les enfants.
Léonor Fasse
Pour aller plus loin
Des ouvrages jeunesses
- Dis Maman, Anne de la Brunière, Sarah Dauchy, Éditions Nane, 2013
- La maman de Léon est malade, elle a un cancer, Olga Dupré et Denis Walravens, Éditions Copyrighted Material, 2013
- Anatole l’a dit, Karine Leverve, Jérôme Cloup, Éditions K’NoË, 2004 (Collection « Une histoire pour expliquer une maladie »)
Des ressources pour les soignants
- Le site de l’Association francophone des soins oncologiques de support (Afsos) : www.afsos.org
1 Voir l’étude de l’European Society for Medical Oncology (ESMO) sur le sujet
Propos recueillis par Lisette Gries