Redonner le plaisir de manger aux résidents d’Ehpad peut relever du défi. À Richelieu, en Touraine, soignants et cuisiniers proposent le « manger-main » qui permet de retrouver de l’autonomie et de lutter contre la dénutrition
« Ça fond dans la bouche, pas dans la main » : les soignants de l’Ehpad de Richelieu (Indre-et-Loire) s’amusent à parodier une publicité de friandise pour présenter leur expérimentation réussie de « manger-main » ou "finger food". Elle consiste, résume Kristina Jeanne, diététicienne, à adapter le menu du jour en bouchées dont la forme et la consistance permettent de manger avec les doigts : « Cette alimentation équilibrée et facile à saisir s’intègre au projet d’accompagnement personnalisé du résident et s’adresse aux personnes atteintes de troubles praxiques et ne pouvant plus manier leurs couverts, ou encore souffrant de troubles cognitifs, aux personnes dénutries ou malvoyantes. »
À moyens constants
Pour Noël, Grégory Lebeau, le cuisinier, a servi une terrine de Saint-Jacques (y compris pour les personnes mangeant uniquement des aliments mixés) et des filets de canette sauce aigre douce : « Selon les aliments, nous ajoutons des algues naturelles (aux tomates, au melon…) et pour des recettes à base de protéines, nous allons plutôt faire une base de madeleine ou de flan. Nous transformons les plats et nous adaptons aux besoins des résidents. Cela demande plus de temps, mais c’est incontestablement meilleur. » Et les résultats sont là ! Prise de poids, effets bénéfiques sur la communication et surtout regain de l’autonomie. Côté soignants, le manger-main modifie le positionnement, observent Magali Mathé, cadre de soins et Nathalie Boureau, aide-soignante : « Cela nous demande d’être plus dans l’accompagnement que dans la suppléance. Nous ne sommes plus la main qui donne à manger, mais pour autant devons être présents, stimuler, assister. » Après une première phase de manger-main des textures normales, l’équipe s’est lancée vers une proposition de manger-main en texture mixée pour les personnes sujettes aux fausses routes. Le tout à moyens constants. À terme, l’Ehpad espère un ETP supplémentaire de cuisinier afin d’élargir l’offre à plus de résidents.
Suzanne Nemo