« Quand il est diagnostiqué tôt, le cancer du côlon est systématiquement guéri »
Le mois de mars est chaque année l’occasion d’une campagne de promotion du dépistage du cancer colorectal. Entretien avec le Pr Michel Ducreux, chef du service d’oncologie digestive et chef du comité de pathologie digestive à l’Institut Gustave Roussy de Villejuif, qui rappelle l’importance d’un dépistage précoce.
Quels sont les messages clés dans le cadre de Mars Bleu ?
Le cancer du côlon est fréquent avec près de 44 000 nouveaux cas diagnostiqués par an. C’est le troisième cancer après le poumon et la prostate chez l’homme, le deuxième cancer après le sein chez la femme. En termes de mortalité, on a fait des progrès, mais cela reste un cancer grave puisque si l’on guérit 60 à 65 % des malades, près de 18 000 personnes décèdent chaque année de ce cancer qui est sous-dépisté. Mars Bleu est l’occasion de rappeler l’importance du dépistage. Le cancer du côlon a une longue vie inapparente sous forme de tumeurs bénignes à l’intérieur du côlon. C’est au début qu’il faut intervenir car 10 ans se passent en moyenne entre la première anomalie sur la muqueuse colique et la survenue d’un cancer, qui fait baisser les chances de guérison de 90% en dépistage précoce à 20% en phase avancée.
Quelles sont les recommandations pour la population générale ?
Les premières sont des recommandations générales : il faut éviter de fumer, de boire de l’alcool, avoir une alimentation la plus riche possible en fibres et la moins riche possible en viande rouge et charcuterie. Il faut pratiquer une activité physique minimale, une heure de sport le week-end et au moins 30 minutes de marche active dans la semaine. Cela contribue à prévenir la survenue de ce cancer qui est en partie lié à l’alimentation. Et il faut que les médecins traitants encouragent leurs patients à réaliser les examens. Dès l’âge de 50 ans, il faut leur proposer un test de recherche de sang occulte dans les selles tous les deux ans. Pour les patients avec antécédents personnels ou familiaux de tumeurs bénignes ou malignes du côlon, il est indispensable de réaliser des coloscopies de dépistage en règle générale tous les 5 ans.
Que pouvez-vous dire des outils de dépistage existants ?
Contrairement à d’autres dépistages, comme le cancer du sein, le dépistage du cancer du côlon par recherche de sang occulte dans les selles ne fonctionne pas. Dans des régions urbaines telles que la région parisienne, à peine à 25 % de la population se prête à ce dépistage, alors qu’on le sait, il faut au moins 50 % de la population dépistée pour faire baisser notablement la mortalité. Il demeure un aspect tabou autour de ce dépistage. L’une des raisons est aussi que le premier test, colorimétrique, avait une sensibilité de seulement 50 %, ce qui a pu conduire dans le passé à des rendus de résultats négatifs qui auraient dû être positifs, avec des patients diagnostiqués à un stade parfois avancé de cancer malgré un dépistage régulier. L’arrivée du test immunologique actuel, qui a une sensibilité de 80 %, n’a pas suffi à redonner du souffle à une vraie dynamique de dépistage en population générale. Il permet pourtant de sauver des vies.
Quelles sont les grandes actions de cette campagne 2022 ?
Nous avons réalisé une vidéo « Mars Bleu : qui suis-je ? » diffusée sur les réseaux sociaux et nous faisons une campagne d’affichage. Les années précédentes, nous pouvions faire des animations, comme une course de rollers « Roulons contre le côlon » organisée à partir de la place de la Bastille, mais la situation sanitaire ne le permet plus. Les hôpitaux se mobilisent en informant et en proposant des tests de dépistage. C’est un dépistage dont on ne parle pas assez. Il faudrait que des packs de prévention de dépistages multiples puissent être proposés, incluant, par exemple, pour les femmes, mammographie, dépistage du cancer du col de l’utérus et recherche de sang occulte dans les selles.
Quelles sont les nouvelles solutions thérapeutiques ?
L’avancée la plus importante est l’arrivée de l’immunothérapie pour traiter les cancers avancés du côlon, métastasés, de type MSI (instabilité des microsatellites : une forme particulière de développement de ce cancer), qui représentent seulement 5 % des cas. Les résultats sont révolutionnaires, mais ne concernent que ces types très particuliers de cancer du côlon. On essaie de les développer aussi dans des cancers moins avancés et on pourrait imaginer que dans l’avenir, on puisse traiter des formes localisées uniquement par immunothérapie et éviter des opérations chirurgicales, mais c’est encore de la recherche.
Pour voir la vidéo « Mars Bleu : qui suis-je ? » réalisée par Gustave Roussy, cliquez ici.