“La mise à l’épreuve de notre système de santé est une opportunité pour faire entendre nos convictions.”
Le directeur général du groupement hospitalier Cœur Grand Est est le nouveau président du Syndicat des manageurs publics de santé (SMPS). Gouvernance, salaires, territoire… Quel sens donne-t-il à son engagement en pleine crise sanitaire ?
Un mot sur votre parcours professionnel ?
Jérôme Goéminne : Je suis un Ch’timi installé dans l’Est depuis 2012. J’ai commencé ma carrière de direction au CH de Lens avant de rejoindre la maternité régionale universitaire, puis le CHRU de Nancy. J’ai poursuivi au groupe hospitalier de l’Est de la Meurthe-et-Moselle puis à la tête du groupe hospitalier de territoire Cœur Grand Est depuis 2017. Notre groupement fédère neuf centres hospitaliers qui emploient 5 500 collaborateurs réunis sous une direction commune avec un projet d’établissement unique dont 100 % des activités cliniques sont couvertes par des pôles territoriaux.
Pourquoi avoir sauté le pas militant ?
J. G. : J’ai répondu à la sollicitation de mes collègues, d’élus régionaux et nationaux. Le travail ne manque pas à l’hôpital en ce moment, mais le contexte est propice à l’engagement. Nous entrons en période électorale. La crise met à l’épreuve notre système de santé. Il fallait saisir cette opportunité pour faire entendre nos convictions.
Quels sont les piliers de votre engagement ?
J. G. : Il y a d’abord l’attachement à la gouvernance concertée entre directeurs, médecins et soignants. Il y aussi la reconnaissance de la ligne managériale à sa juste valeur. Nous revendiquons l’égalité de rémunération pour les trois corps de directeurs d’hôpital (DH), de soins (DS) et d’établissement sanitaire, social et médico-social (D3S). À responsabilités égales, salaire égal. Or les inégalités de rémunération peuvent atteindre jusqu’à 40 % !
Cette exigence d’équité vaut aussi pour les trois fonctions publiques. Sinon la fuite des cadres vers le secteur privé, les autres fonctions publiques s’amplifiera. C’est l’attractivité de l’hôpital, la pénurie de moyens humains qui sont en jeu.
Quid du territoire ?
J. G. : Le vieillissement de la population, la hausse des maladies chroniques nécessitent une prise en charge coordonnée des usagers : aucun site ne peut tout faire tout seul. C’est une opportunité pour les managers de santé, déjà mobilisés sur des problématiques territoriales. Mais la territorialisation des métiers et la démocratie sanitaire vont de pair : nous proposons un comité des élus sur les bassins de vie des GHT.
Quels enseignements tirez-vous de la crise ?
J. G. : D’abord que la coopération territoriale est indispensable. Regardez comment nos établissements s’entraident pour lutter contre la Covid, organiser la campagne de vaccination. Ensuite que la collégialité des décisions reste la clé du succès. Quand l’hôpital doit adapter son organisation toutes les 48h, la gouvernance concertée est primordiale.
La Covid a mis entre parenthèses le contrôle budgétaire continu. Les règles de la commande publique, le régime des autorisations ont été assouplis. Bilan ? Ça fonctionne mieux !
Qu’attendez-vous du Ségur de la santé ?
J. G. : La revalorisation des carrières devait commencer par les soignants, en première ligne. C’est normal. Mais il ne faudrait pas oublier les managers qui n’ont pas ménagé leurs forces. Ce sera un effort financier conséquent. Mais un effort juste.
Propos recueillis par Olivier Brovelli