Ça pousse là-haut ! Des hôpitaux et des maisons de retraite voient fleurir sur leurs toits des potagers, des ruches, voire de véritables fermes urbaines. De la nature "on air" pour consommer local et semer la convivialité.
La Ville rose est un peu plus verte depuis 2014. Depuis que la clinique Pasteur cultive son propre potager en terrasse. En plein centre-ville de Toulouse, l’établissement de 1 400 professionnels - qui soigne 55 000 patients par an - fait figure de pionnier.
Sur le toit du bâtiment de radiothérapie, au-dessus des blocs opératoires, un jardin suspendu de 500 m² panouit au soleil du Midi. Tomates, salades, blettes, haricots verts et fraises poussent dans de grandes jardinières installées sur des palettes en bois, remplies de terreau mélangé à de la fibre textile recyclée. Un système d’arrosage goutte-à-goutte irrigue les plantations. « L’idée est venue du service de restauration, se souvient Gaëlle Renaud, responsable de la communication. Le chef voulait compléter ses achats avec des produits bio et de saison dont il maîtriserait l’approvisionnement. C’était un pas de plus dans notre démarche d’alimentation durable ».
Tous les légumes "maison" sont consommés en chambre par les patients, voire les professionnels quand les volumes l’autorisent. Le chef ajuste ses commandes aux récoltes. Sur les conseils du restaurateur étoilé Michel Bras, le potager s’est garni d’aromates. « Notre cuisinier a retravaillé les recettes avec de la sauge ananas et de la menthe chocolat. On améliore l’ordinaire ! »
Un lieu pour du lien
Aménagé par l’entreprise Macadam Gardens, spécialisée dans l’agriculture citadine, le potager est cultivé par les salariés de l’ESAT qui entretient aussi les espaces verts. Les jardiniers interviennent deux fois par semaine, en suivant les consignes du maraîcher. Ils livrent la cuisine. Le vendredi midi, des personnels volontaires, réunis dans un "club jardin", prennent le relais. L’activité occasionne des rencontres. Et du lien vers l’extérieur.
« Le potager est devenu un outil pédagogique. Nous recevons beaucoup de chercheurs, d’étudiants et d’écoliers en parcours découverte ».
Le potager n’est pas un jardin thérapeutique. « Nous n’avons pas encore trouvé le moyen d’associer nos patients pour des contraintes d’accès, de sécurité médicale et de moyens humains », regrette la direction. Mais côté finances, l’investissement est rentable. La mise de départ (20 000 €) sera bientôt amortie. « Et si vous saviez combien nos fraises sont bonnes !»
Une production rentable au bord de la Seine
L’hôpital gériatrique Sainte-Périne (Paris 16e) se met lui aussi à l’agriculture urbaine. Une ferme suspendue XXL va s’étendre pendant quatre ans sur 5 350 m² de toiture, bien exposée au soleil, à l’abri des vents dominants. En charge des cultures, l’entreprise Cueillette urbaine fera pousser des tomates, des courges, des concombres, des laitues, des épinards, des herbes aromatiques, des fruits rouges, des fleurs comestibles et même du houblon.
Les premières plantations ont été réalisées au printemps. « La portance du toit n’autorisait pas la culture en pleine terre. Nous avons choisi des solutions de jardinage plus légères, en bacs et en tours aéroponiques », détaille Paul Rousselin, son président. Ce qui ne changera rien aux rendements. « Nous devrions produire à terme entre 80 et 100 tonnes par an ». Les fruits et légumes seront vendus en circuit très court. Un supermarché et une dizaine de restaurants du quartier ont manifesté leur intérêt pour cette production sans pesticides - mais sans label bio car cultivée hors sol.
Une ville plus verte
L’hôpital a pris en charge les travaux d’étanchéité et d’accessibilité. Ses patients âgés n’auront pas accès aux toits pour jardiner. Les produits ne seront pas cuisinés sur place non plus. « Mais les visiteurs pourront acheter des paniers fraîcheur, complète Paul Rousselin. On proposera aussi au personnel de l’hôpital de faire vivre un potager participatif au sol ».
L’exploitation maraîchère Sainte-Périne entend d’abord relocaliser l’agriculture sans oublier « de dépolluer la ville » en luttant contre les îlots de chaleur. Elle est lauréate de l’appel à projets Parisculteurs, défendu par la mairie de Paris pour revégétaliser la capitale. Cette initiative est l’un des plus gros chantiers de ferme urbaine dans les airs menés en France actuellement. Cinq salariés y travailleront à plein temps en vitesse de croisière.
Olivier Brovelli
Flower power à l’hôpital Robert-Debré
Un bouquet de fleurs coupées bio au bilan carbone exemplaire ? Ce sera possible à Paris. La Ferme florale urbaine s’installe cet été sur trois niveaux de terrasse de l’hôpital mère-enfant Robert-Debré (Paris 19e). Un site idéal car déjà conçu comme un jardin de pleine terre par l’architecte dès l’origine… mais jamais utilisé tel quel.
La jeune entreprise y cultivera une vingtaine d’espèces de plantes annuelles (cosmos, pois de senteur…) et à bulbes (dahlias, tulipes…) sur 1 200 m² de surface utile. « En bio intensif, sans pesticides, sans machines et sans serres chauffées », complète Félix Romain, l’un des deux horticulteurs associés. Les bouquets de saison seront vendus aux familles des patients - mais proscrits dans les chambres ! - ainsi qu’aux fleuristes du quartier.
Les deux tiers du jardin seront réservés à la production. Le dernier tiers sera ouvert au public comme jardin d’agrément. L’hôpital pourra utiliser les carrés disponibles pour aménager un potager participatif mais aussi organiser des ateliers pédagogiques autour du végétal à destination des enfants, encadrés par les professionnels. Allergie oblige, les graminées seront exclues des bacs...