Rencontre avec le professeur Jean-Yves Blay, qui dirige le Centre Léon Bérard de lutte contre le cancer à Lyon, pour faire le point sur l’accès à l’innovation thérapeutique en France. État des lieux et pistes de solutions.

Quelle est la situation en termes d'accès à l'innovation thérapeutique pour les patients en France ?

Jean-Yves Blay : La situation est bonne globalement, dans un contexte sécurisé où la Sécurité sociale œuvre pour assurer un accès équitable à l’innovation thérapeutique aux patients. Mais ces dernières années, cette qualité d’accès s’est dégradée, en raison notamment de la lenteur de l’activation administrative des protocoles de médicaments innovants. Au début des années 2000, nous étions en tête de peloton au niveau européen. Nous sommes aujourd’hui derrière l’Espagne ou le Royaume-Uni. Une prise de conscience a lieu, le Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) 2021 souhaitant positionner la France comme lieu de recherche innovant en milieu médical. Les inégalités d’accès demeurent importantes néanmoins entre régions et établissements.

Lorsque les médicaments ont franchi les étapes de tests cliniques, l’Agence européenne du médicament (EMEA) donne son feu vert. Chaque pays décide ensuite d’accorder une autorisation nationale ou non à travers son autorité compétente (l’ANSM en France). Nous sommes en retard notamment dans le domaine de la médecine moléculaire de précision, avec des critères d’évaluation qui n’ont pas suivi les avancées scientifiques. Certains médicaments remboursés en Espagne ne le sont pas en France. Pour les patients français ayant besoin d’accéder à des molécules innovantes, la seule solution est parfois de réussir à entrer dans un essai clinique.

Comment les établissements parviennent-ils à faire face à cette situation ?

J.-Y. Blay : Nous aidons les établissements les plus en difficulté au sein du réseau régional. Le Centre Léon Bérard organise, avec d’autres acteurs, des consultations partagées ou encore des réunions de concertation communes. Les téléconsultations favorisent la diffusion et le partage d’informations sur le sujet. Mais beaucoup reste à faire. Par exemple, en oncologie, si un médicament innovant autorisé au niveau européen, mais pas en France, coûte 10 000 euros par cure et doit être pris par le patient pendant six mois, l’établissement devra débloquer 60 000 euros sans prise en charge par la Sécurité sociale. Ces accès dérogatoires, relevant des directions médicales de chaque établissement, ne sont pas possibles partout et doivent rester l’exception sous peine de mettre en péril les établissements, les équipes et, au final, les patients. Ces dilemmes sont compliqués au quotidien.

Quelles seraient selon vous les solutions pour améliorer la situation au niveau national ?

J.-Y. Blay : Simplifier les procédures, se baser sur la science ainsi que faire mieux et plus appel aux experts de notre pays dans les lieux d’excellence où ils se trouvent pour analyser les molécules innovantes. Ces experts doivent être réintégrés dans les processus d’examen. Nous devrions également fixer et exiger de manière tangible des délais fermes et non négociables, en nombre de semaines, pour la fin des études et des analyses. Si nous n’allons pas assez vite, certains innovateurs se détournent de nous. Beaucoup vont en Espagne, champion européen de l’activation précoce des essais. Des commissions ont été mises en place pour évaluer l’appareil administratif et juridique français en vue de le simplifier et l’alléger. Les résultats sont attendus à horizon 2023-2024.

Propos recueillis par Neijma Lechevallier

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Professeur Jean-Yves Blay

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