Hépato-gastroentérologue et réanimatrice, Charlotte Garret a consacré son mémoire de MBA en communication en santé au paradoxe de la mort en réanimation. À partir d’une étude clinique qualitative, elle livre ses recommandations de pratiques managériales pour accompagner la fin de vie à l’hôpital.

Pourquoi votre choix de sujet pour votre mémoire ?
Charlotte Garret : J’ai été sensible et attentive aux questions de fin de vie dès mon internat. J’y ai constaté qu’en dehors des soins palliatifs où l’on a sanctuarisé la fin de vie, la technicité est très présente. Dès lors, je me suis interrogée : comment, après avoir tenté de sauver la vie, passer à une médecine non douloureuse, humaine et bienveillante pour accompagner la mort ?

Quel premier constat, quel premier conseil ?
C. G. : Il existe toujours beaucoup de tabous autour de la mort dans notre société. Difficile pour un soignant en travaillant à l’hôpital, particulièrement pour un médecin, d’y échapper. Or, on y observe aussi des attitudes de déni. Prendre conscience de ses propres difficultés vis-à-vis de la mort est une première étape. Pour cela, la formation est fort utile, qu’elle soit universitaire ou délivrée par les sociétés de soins palliatifs, ou encore enrichie par des lectures : La mort et ses au-delà de Maurice Godelier, La solitude des mourants de Norbert Élias, Vivre avec les morts de Delphine Horvilleur… Enfin, le compagnonnage est précieux. J’ai appris à accompagner et à parler aux mourants auprès des équipes de soins palliatifs.

Que mettre en place dans une équipe ?
C. G.
: Un chef de service peut impulser une culture commune, à travers des formations collectives, mais aussi des temps de rencontre d’équipe, avec le soutien de professionnels capables d’accueillir les mots et les maux des soignants. Ils peuvent être plus ou moins fréquents selon les services, mais il me semble important de les formaliser. De même, il est utile de mettre en place des référents éthique et communication, idéalement un binôme médecin-soignant, formés et porteurs de ces valeurs dans le service. Enfin, toujours dans cette culture de service, pour prendre soin de ceux qui prennent soin, des activités peuvent être proposées : séances d’hypnose, de méditation, de yoga...

Vous insistez sur le trinôme patient-proches-soignant…
C. G.
: On ne peut dissocier le patient de ses proches lors d’une fin de vie, comme lors d’autres prises en charge médicales. Les proches occupent une position majeure et ce sont eux qui restent en vie, avec leur deuil, leur souffrance. Leur donner accès à l’information, via des sites, des lectures, leur conseiller le soutien d’associations est essentiel. 
Enfin, je donnerais quelques conseils qui m’ont personnellement été bénéfiques : s’autoriser à franchir des barrières physiques que l’on s’interdit en tant que médecin en touchant le bras du patient, en lui donnant la main quand il nous parle de la mort. Accompagner les proches et le patient pour qu’ils puissent se parler : ne pas hésiter à faire partie de ce trinôme, avec l’accord du patient pour l’aider à verbaliser l’annonce de sa mort proche. Réhumaniser l’environnement de la chambre : passer de la musique peut apporter beaucoup d’émotion. Prendre en compte les rites religieux. Et surtout ne pas restreindre les horaires, ni le nombre de visites… Puis proposer des entretiens, après le décès, avec les proches. Le médecin peut souhaiter passer à autre chose. Pourtant, mener un entretien s’avère très enrichissant. Les proches osent dire ce qu’ils ont retenu jusque-là et nous pouvons à cette occasion lever des incompréhensions.

Propos recueillis par Suzanne Nemo

charlotte garret
Charlotte Garret
 

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