Marie-Sophie Desaulle, présidente de la Fédération des établissements hospitaliers et d’Aide à la Personne Privés Non Lucratifs(1)

 

À la tête de la FEHAP* - 727 établissements et services sanitaires acteurs de la santé solidaire - , Marie-Sophie Desaulle fait le point sur ce qui a bien ou moins bien fonctionné lors du premier épisode de la crise. Alors que celle-ci redémarre, ces établissements entendent jouer pleinement leur rôle pour accélérer les prises en charge des patients et lutter contre la déprogrammation des soins.

Quelle organisation mettez-vous en place pour mieux garantir la continuité des soins ?
Suite à l’activation des plans blancs dans les hôpitaux et des plans bleus dans les EHPAD(2), nous avons constaté l’augmentation de situations de non-recours aux soins.  Concernant la dialyse par exemple, nous avons très vite ressenti une vive inquiétude des patients.  Il s’agit de soins impossibles à déprogrammer, mais nous avons enregistré des retards de prise en charge, d’où la nécessité pour les professionnels d’adapter leurs pratiques vers plus de réponses à domicile. À l’aube de cette seconde phase, nous entrons aujourd’hui de nouveau dans la logique de déprogrammation massive. Nous serons extrêmement vigilants en déployant des prises en charge sur mesure pour ne pas reproduire les effets collatéraux constatés avant l’été. Nous sommes prêts à relancer le dispositif de rappel des patients. Nous les inviterons à continuer à se faire soigner si nous voyons des personnes rentrer de nouveau dans l’évitement ou le non-recours aux soins, notamment les patients atteints de maladies chroniques ou avec un diagnostic de cancer.

De quoi avez-vous besoin aujourd’hui pour renforcer votre organisation ?
Il faut avoir conscience qu’un certain nombre de services gère encore les suites du premier épisode COVID-19. C’est le cas des établissements de Soins de Suite et de Réadaptation (SSR). Les temps de rééducation et de réadaptation s’avèrent particulièrement longs pour les patients atteints de formes graves de la maladie, et qui présentent toujours des séquelles. Ceci pose la question des autorisations et de notre capacité à ajuster notre activité. Nous avons besoin de maintenir et de retrouver très rapidement cette capacité à agir en simplifiant au maximum les logiques d’autorisation. Nous plaidons pour instaurer le principe de subsidiarité dans le secteur de la santé en France. Nous y avons un fort intérêt dans la gestion des soins de suite, pour augmenter et déployer d’importantes capacités dédiées à la prise en charge en SSR cardio-respiratoire. 

Quels sont les efforts à poursuivre désormais ?
Pour utiliser davantage les compétences de médecins spécialisés nous avons intérêt à multiplier les coopérations et les partenariats avec les établissements et y compris entre public et privé. On constate que cela a bien mieux fonctionné là où les coopérations anciennes étaient déjà établies. L’autre question centrale pour nous concerne la régulation. Qui oriente les patients ? Ce que nous avons vécu au démarrage dans la région Grand Est où les patients étaient systématiquement dirigés vers les hôpitaux publics reste, me semble-t-il, l’erreur à ne pas reproduire. La régulation en amont n’a pas pris en compte toutes les forces en présence puisque nous avions au même moment des lits de réanimation vides à proximité, avec des capacités d’accueil qui n’ont pas été utilisées.  A partir du moment où la personne arrive aux urgences, c’est très compliqué de la réorienter vers d’autres filières. Nous pouvons faire beaucoup mieux dans ce domaine. Cette régulation a été efficace en Ile-de-France, où l’ARS a eu plus de temps pour se préparer à la crise. 

Les cellules de crise fonctionnent-elles ?
Elles ont fonctionné dès lors que les parties prenantes ont été associées. Nous défendons une approche plus territoriale en fonction du niveau de circulation du virus. Cette organisation régulière qui a réuni l’ensemble des acteurs avec une transparence des informations a permis de gérer les problèmes. Face au manque de lits de réanimation, chaque fédération a pu apporter une partie de la solution en disant ce qu’elles étaient en capacité de faire pour gérer la situation. Lorsque l’ARS Île-de-France a exprimé le besoin d’ouvrir mille lits supplémentaires, nous avons en avons trouvé plus de 300. En partageant les éléments de la crise, nous pouvons rechercher ensemble les solutions, quel que soit le statut des établissements concernés. 

Que regrettez-vous le plus dans la gestion du premier épisode du Covid-19 ?
L’association avec l’ensemble des acteurs de santé qui agissent hors de l’hôpital n’a clairement pas bien fonctionné. Nous devons aujourd’hui en tirer toutes les conséquences.  Ce que j’appelle les vigies du système de santé que sont les acteurs du domicile, ceux qui sont au contact des plus fragiles n’ont pas du tout été intégrés dans la boucle. Ils ont mis un temps fou à recevoir les équipements de protection et leur travail n’a finalement même pas été reconnu puisqu’ils ont fait partie des derniers à pouvoir bénéficier de la prime Covid. Ce sont pourtant eux qui peuvent jouer aujourd’hui un rôle essentiel pour éviter l’afflux dans les établissements. Et il est inadmissible de ne pas les intégrer davantage dans la logique d’alerte comme dans celle de la récupération de l’autonomie. La sortie précoce des établissements en dépend. S’il y a quelque chose d’utile à faire maintenant, c’est bien de prendre en compte l’ensemble des acteurs du système de santé en s’écartant de cette vision trop hospitalo-centrée.

Propos recueillis par Laurence Mauduit

(1) - La Fédération des établissements hospitaliers et d’Aide à la Personne Privés Non Lucratifs (FEHAP) comprend des établissements de Médecine, chirurgie, obstétrique (MCO) mais également des établissements et services d’activités de Soins de suite et de réadaptation (SSR), de psychiatrie, d’hospitalisation à domicile (HAD), mais aussi des centres de dialyse.

(2) - Le plan blanc réactivé dans les hôpitaux permet de faire face à l'afflux de patients Covid-19 dans les services de réanimation. Ce dispositif exceptionnel permet de mieux accueillir les malades et de repousser certaines opérations.
Le plan bleu est un outil d'organisation interne aux établissements médico-sociaux (EMS) comme les EHPAD ou les établissements pour personnes handicapées. Il détaille les modalités d'organisation mise en œuvre en cas de crise sanitaire ou climatique. Le plan bleu permet notamment la mise en œuvre rapide et cohérente de leurs moyens matériels et humains pour faire face efficacement à une situation exceptionnelle.

 

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