Au cours de leur dernière année à l'IFSI du CHU de Saint-Etienne (42), Manon, Aline et Laurine ont effectué début 2018 un stage de 6 semaines à Cusco au Pérou en plein cœur de la Cordillère des Andes. Au-delà des particularités culturelles, elles y ont découvert une autre façon d'être soignant. Manon Carrot témoigne.
Comment avez-vous trouvé ce stage à l’étranger ?
Manon Carrot : Avec deux autres étudiantes de ma promotion, Aline Bonetton et Laurine Bissuel, notre idée de départ était de découvrir une autre culture, mais nous n’étions pas fixées sur un pays en particulier. Très peu d’étudiants de notre école étaient partis en Amérique du sud les années précédentes, on pensait que c’était mission impossible ! Nous avons donc orienté nos premières recherches en Asie, mais, à force d’essuyer des refus, on les a élargies et, au bout de trois mois, on a enfin eu cette opportunité au Pérou : une destination totalement inconnue pour nous trois, mais deux d’entre nous parlaient déjà espagnol.
Aline, Laurine et Manon
Etes-vous passées par une association ?
Oui, nous sommes entrées en relation avec Proyecto Peru. C’était d’ailleurs une demande de l’école, afin que notre stage se passe dans des conditions encadrées et sécurisantes. Cela a grandement facilité les choses, car l’association nous a trouvé le lieu du stage, un logement chez l’habitant et est venue nous chercher à l’aéroport le jour de notre arrivée.
Quelles ont été vos premières impressions ?
Une fois sur place, il y avait deux groupes de Français… et deux Manon ! D’où une erreur dans mon lieu de stage. Passé ce petit quiproquo vite résolu, nous avons pu commencer notre stage ensemble au centro de salud, un centre de santé de San Sebastian, un quartier de Cusco.
Ce qui nous a le plus frappées, à notre arrivée, c’est la grande pauvreté et le fait que rien ou presque n’est gratuit en matière de santé. On a eu le cas de quelqu’un qui s’est sectionné le doigt au travail, il a d’abord dû trouver de l’argent, puis passer par la pharmacie pour acheter le matériel avant de venir se faire soigner chez nous !
Comment se déroulaient vos journées ?
Nous étions affectées au Topico, qui est le service d’urgences et de consultations. Toutes les trois, plus une autre infirmière, nous étions en poste de 8h à 14h environ, avec une moyenne de 70 à 80 passages par jour, mais il n’était pas rare que nous recevions jusqu’à 100 patients. Le circuit de soin est bien particulier : les personnes sont d’abord reçues en consultation par un médecin qui prescrit les traitements sur un simple post-it. Munies de ce papier, elles vont acheter leur matériel à la pharmacie (seringues, pansements, produits injectables…) et reviennent ensuite au Topico où nous réalisons les soins.
Quelles sont les actes les plus courants que vous avez pratiqués ?
Beaucoup d'injections intramusculaires pour des anti-inflammatoires, des antibiotiques, des contraceptifs… Mais aussi des pansements et des sutures : nous avions très fréquemment des morsures de chiens, des brûlures et des plaies mal cicatrisées ou surinfectées car les gens tardent à venir se faire soigner.
Du point de vue des pratiques médicales, quelles différences avez-vous constatées avec la France ?
Sans conteste, les normes d’hygiène ! Notre salle de soins comportait deux divans d'examen, avec un chariot sur lequel on trouvait de l'eau stérile (préalablement bouillie), des compresses que nous faisions nous-mêmes et des instruments de soins lavés à la lessive entre chaque patient.
Là-bas, le lavage des mains n'est pas de rigueur entre chaque patient. Les seringues sont parfois réutilisées pour deux patients différents, par exemple pour une anesthésie locale, et il nous est arrivé d’être en rupture de stock de gants. On a eu un peu de mal à s’y faire, c’est très déroutant… Mais ce stage m'a néanmoins permis d'enrichir ma pratique professionnelle et, d’une certaine façon, m’a aussi fait prendre du recul sur l’ampleur du gaspillage en France.
Un jour, nous avons reçu en même temps une très vieille dame pour des escarres au talon et un bébé qui venait de naître pour un soin à l’ombilic. Près de 100 ans séparaient ces deux personnes réunies dans la même pièce ! Cela restera un souvenir fort et émouvant de mon stage. Manon
Quels autres souvenirs en gardez-vous à titre personnel ?
Cette expérience m'a permis de découvrir une autre culture que la mienne, avec ses traditions et son système de soins. Le relationnel avec les patients est très différent, il n’y a pas de barrière soignant/soigné comme chez nous : on se tutoie, on s’échange des accolades… C’est très chaleureux et ça aide à créer une relation de confiance dès l’instant où le patient arrive. Bien qu’étrangères, nous avons d’ailleurs été accueillies à bras ouverts tant par les patients que par les autres soignants.
Où en êtes-vous aujourd’hui ?
J’ai été diplômée l’été dernier et je travaille depuis quelques mois comme infirmière dans un service d’hémodyalise piloté par l’association Artic 42 (Association Régionale pour le Traitement de l'Insuffisance rénale Chronique).
Céline Collot