Des établissements de santé reconstituent la chambre d'un patient fictif pour former leurs équipes à la gestion des risques associés aux soins. Un jeu de simulation original pour prévenir des erreurs aux conséquences parfois lourdes.

 

Imaginez la chambre d'un patient avec son lit, sa table de chevet et ses appareils médicaux. Une chambre presque comme les autres. Mais quinze anomalies se sont volontairement glissées dans le tableau. Un dossier mal étiqueté, une flaque d'eau au sol, un pilulier ouvert... Saurez-vous les repérer ? Voilà résumé le principe de la "chambre des erreurs".

Souvent présenté comme une enquête policière, le dispositif met à l'épreuve le sens de l'observation et les bonnes pratiques des professionnels de santé. Installée pendant quelques jours dans l'enceinte d'un hôpital ou d'un EHPAD, la chambre des erreurs mobilise les équipes pour faire la guerre contre les "évènements indésirables évitables" liés aux soins. Avec humour et pédagogie.

Des connaissances à jour

Inspirée d'une expérience canadienne, le dispositif a été importé pour la première fois en France en 2011 au centre de rééducation de Kerpape, près de Lorient (56). De nombreux établissements de santé ont depuis expérimenté la formule. Comme le CHU de Nancy (54) lors de la Semaine de sécurité des patients l'an dernier.

Plus de 250 salariés de tout profil -infirmiers, aides-soignants, manipulateurs radio, préparateurs en pharmacie, cadres administratifs...- ont rendu visite à Anna Lyse, à l'heure de la prise de sang. «Tout le monde avait repéré le sac collecteur d'urine laissé au sol, se souvient Cindy Krommenaker, infirmière hygiéniste. En revanche, le surdosage en insuline et la montre au poignet de l'aide-soignante étaient moins faciles à détecter.»

Après 30 minutes d'enquête, le debriefing collectif dans la pièce voisine permettait de rappeler les consignes en matière de sécurité, de médicament, de risque infectieux ou d'identification des patients.

Avec le temps et la routine, certaines habitudes se perdent. La règlementation évolue. La chambre des erreurs permet d'actualiser nos connaissances.

Au point que la direction intègre la visite en chambre d'erreurs dans le temps de formation continue légale de ses agents.

La culture du risque

Près de Bernay (27), la maison de retraite Saint-Aubin a testé l’outil de simulation dans le studio d’un résident fictif de retour d’hospitalisation après un AVC. « Comme nous travaillons dans un univers moins médicalisé, nous avions intégré des erreurs liées au relationnel, à la bienveillance, explique Sabrina Moreau, l’infirmière coordinatrice. On ne dispose pas n’importe où le plateau repas d’une personne hémiplégique».

Les agents de cuisine et de buanderie se sont prêtés au jeu. « Cette façon d’apprendre, de réviser est moins scolaire, plus participative qu’un diaporama. La chambre des erreurs parle à tous nos salariés ». Elle sera réinstallée l’automne prochain avec un autre scénario.

Conçue comme un levier d’amélioration continue de la sécurité des soins, le dispositif nourrit la culture commune de la gestion des risques. Au centre de rééducation de Kerpape, son expérimentation à trois reprises a souligné l’importance de bien communiquer entre les équipes. « Nos résidents bougent, explique Céline Brégardis, responsable qualité. Ils vont voir le kiné, l’ergo, le psy… La chambre des erreurs nous a aidés à revoir certaines procédures pour mieux diffuser l’information sur le statut du patient ».

Désormais, les réseaux métiers partagent leurs expériences sous forme de guides pratiques. « Il faut un peu de temps, de personnel et de la place pour créer une chambre des erreurs. Mais ce n’est pas très compliqué, relate Céline Brégardis. Sauf que ça demeure un outil de simulation statique. Or les évènements indésirables sont souvent la conséquence d'un enchaînement de faits, de comportements».

D'où l'intérêt de compléter avec d'autres dispositifs dynamiques comme le film avec analyse de scénario.

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Pour se former toute l’année, sans contrainte de temps ni de place, des professionnels de santé ont imaginé des chambres des erreurs virtuelles, accessibles gratuitement sur Internet.

Avec l’université et le CHU, l’Observatoire du médicament, des dispositifs médicaux et de l'innovation thérapeutique de Normandie (Omedit) a conçu un jeu vidéo ludique et pédagogique. Baptisé SimError en référence au célèbre jeu de gestion SimCity, le serious game met en scène sept erreurs dans la chambre d’un patient, choisies de manière aléatoire. Plus de 3 000 combinaisons sont possibles.

De son côté, l’association pour le digital et l’information en pharmacie (ADIPh) propose un parcours immersif à 360°, à suivre devant son écran ou avec un casque de réalité virtuelle. Deux versions sont disponibles, en service de médecine chirurgie obstétrique (MCO) et en unité de cancérologie.

 

Olivier Brovelli

 

 

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