Apparue au milieu des années 70, l'art-thérapie moderne est utilisée dans de nombreux domaines et participe à soulager les souffrances. Rencontre avec Fabrice Chardon, psychologue et art-thérapeute (1).

QU'EST-CE QUE L'ART THÉRAPIE MODERNE ?
C'est d'abord le mot art qui donne son originalité à la discipline, puis le mot thérapie qui définit le cadre sanitaire. L'art-thérapie moderne se définit par l'exploitation des potentiels artistiques à des fins thérapeutiques et humanitaires. À la différence de l'art-thérapie traditionnelle (les deux thérapies ne sont pas opposées mais complémentaires), elle s'appuie sur les potentialités du patient et non sur ces souffrances. En d'autres termes, nous travaillons sur les "parties saines" de l'individu, c'est-à-dire ses mécanismes qui fonctionnent, en tenant compte, bien entendu, de ce qui ne va pas. En art-thérapie moderne, l'art n'est pas un outil mais un processeur. Contrairement à l'art-thérapie traditionnelle, la verbalisation n'est pas recherchée, nous nous appuyons «sur l'art qui touche et non l'art qui parle» pour reprendre la phrase de Richard Forestier(2).
QUELLES SONT LES TECHNIQUES ARTISTIQUES UTILISÉES ?
Toutes les techniques sont exploitables : musique, danse, théâtre, cinéma, photographie, conte, mime, dessin, peinture, modelage, calligraphie...
COMMENT DÉFINIRIEZ-VOUS LE TRAVAIL DE L'ART-THÉRAPEUTE ?
L'art-thérapeute n'est ni un psychothérapeute, ni un médiateur à support artistique. Il possède des compétences artistiques et exploite les bienfaits d'une ou plusieurs techniques artistiques. Il utilise à la fois les pouvoirs éducatifs, d'entraînement et l'effet relationnel de l'art avec les patients pour atteindre les objectifs thérapeutiques fixés par indication médicale. Il n'est pas dans l'interprétation mais dans la valorisation du ressenti corporel du patient, dans l'objectif de stimuler ses sensations et les émotions associées, puis d'engager physiquement la personne pour qu'elle prenne plaisir à pratiquer et s'engager dans une relation.
Les enjeux de son intervention : aider des personnes à recouvrer, améliorer, réorganiser ou maintenir des capacités d'expression, de communication ou de relation.
OÙ EXERCE-T-IL ?
L'art-thérapeute peut exercer en cabinet, à l'hôpital ou encore en institution auprès de personnes aux pénalités et souffrances diverses. Les séances, selon les objectifs thérapeutiques, peuvent être individuelles ou collectives.
Il travaille, dans la plupart des cas, avec une équipe pluridisciplinaire.
QUAND UTILISE-T-ON L'ART-THÉRAPIE ?
L'art-thérapie intervient désormais dans presque tous les services médicaux. Cependant, elle doit répondre aux indications médicales et en cela ne concerne pas toutes les maladies. Elle s'adresse en particulier à des personnes qui présentent des troubles de l'expression, de communication ou encore relationnels. Elle est aussi considérée comme un soin de support en cancérologie pour accompagner le malade durant sa chimiothérapie. Des études réalisées ont permis de mesurer son impact sur la fatigabilité des patients, leur anxiété, l'amélioration de la qualité du sommeil, la douleur ou encore la relation entre les soignants et les patients.
(1) Fabrice Chardon est aussi directeur d'enseignement à l'Afratapem, école d'art-thérapie de Tours, et directeur pédagogique des diplômes universitaires d'art-thérapie de Tours et Grenoble.
(2) Responsable du centre d'études supérieures de l'art en médecine (CESAM - Afratapem).
Plus d'infos :
Contact : afratapem@wanadoo.fr
Le dictionnaire Raisonné de l'Art en Médecine
Le métier d'art-thérapeute
par Richard Forestier aux Éditions Favre
PAROLE D'ART-THÉRAPEUTE - Émily Rochard Bismuth
«Je ne travaille pas nécessairement sur la pathologie en elle-même»

Art-thérapeute à la Pitié-Salpêtrière et en indépendante depuis 2014, elle est titulaire du D.U. d'art-thérapie de la faculté de médecine de Tours
«J'ai découvert l'art thérapie après mon bac scientifique, pendant mes études artistiques (à la Sorbonne puis à l'ESAA Duperré) et ai dédicé de suivre la formation de l'Afratapem quelques années plus tard. L'art-thérapie associe deux disciplines qui me sont chères : sciences et Art. Aujourd'hui je me partage entre un temps partiel à la Pitié-Salpêtrière dans le service de Soins de suite et réadaptation neurologique du Pr Dupont et une activité en auto-entrepreneur où je me déplace à domicile. Les patients pris en charge à l'hôpital sont des adultes de tous âges. Certains ont été victimes d'un AVC récent, d'autres ont une sclérose en plaques ou la maladie de Parkinson. J'interviens également en neurooncologie. Je travaille en équipe pluridisciplinaire et sur indication médicale.»

«L'art-thérapie permet au patient, selon les cas, de relancer la motivation et l'implication dans le soin, de restaurer l'estime de soi, de réduire les tendances dépressives, de redonner de l'espoir ou encore de renouer le dialogue avec l'équipe soignante.»

«Je m'appuie particulièrement sur les arts visuels pour revaloriser les bénéficiaires en leur faisant prendre conscience de leurs ressources, pour favoriser les gratifications sensorielles et les aider à s'affirmer à travers elles, pour leur permettre d'exercer leur pouvoir décisionnaire. En tant qu'art-thérapeute, je vais avant tout à la rencontre de personnes, de personnalités.»

«Je ne travaille pas nécessairement sur la pathologie en elle-même mais davantage sur les contraintes liées à l'hospitalisation : l'apathie et l'anxiété, les difficultés de communication et de projection et la perte du sentiment d'être sujet.»

COMMENT DEVENIR ART-THÉRAPEUTE PROFESSIONNEL ?
Avant toute chose, il est important de rappeler qu'une compétence artistique est obligatoire pour devenir art-thérapeute alors que des connaissances médicales préalables ne sont pas indispensables pour suivre la formation.
Il existe aujourd'hui plus de 150 formations d'art-thérapie en France. Mais attention, la majorité d'entre elles sont pratiquées par des écoles privées non reconnues par l'État.
Seules trois écoles sont aujourd'hui reconnues par l'État (titre officiel d'art-thérapeute répertorié au niveau II au RNCP
• Afratapem (art-thérapie moderne) : à Lille, Tours et Grenoble
• Inecat (art-thérapie traditionnelle) : à Paris
• Profac : à Arles
Il existe également des diplômes universitaires d'art-thérapie mis en place au sein de facultés de médecine (Tours, Lille, Grenoble) ou des UFR de Psychologie (Toulouse, Nantes, Paris).