Les maltraitances infantiles ne sont pas toujours faciles à diagnostiquer et sont probablement sous-estimées. Une équipe du CHU de Dijon a mis au point un algorithme pour aider à repérer plus facilement les cas de maltraitance parmi les jeunes patients de 0 à 5 ans.
Près de 10 % des enfants seraient victimes de maltraitances en France, mais elles restent délicates à repérer pour les médecins. Une équipe d’épidémiologistes et de médecins légistes du CHU de Dijon – dont le Dr Mélanie Loiseau – a récemment développé un algorithme(1) qui est déjà utile en termes de surveillance nationale et qui pourrait aider, au quotidien, les médecins à repérer plus facilement les cas de maltraitances.
L’outil a été développé à partir des données du PMSI (programme de médicalisation des systèmes d’information) des hôpitaux et cliniques, qui repose sur la classification internationale des maladies (CIM10). Les chercheuses ont comparé l’identification, réalisée par l’algorithme, de 170 enfants hospitalisés entre 2008 et 2019 avec leurs dossiers médicaux, passés au crible par plusieurs médecins légistes.
Maltraitance hautement probable ou suspectée
À partir des codages laissant présager une maltraitance chez des enfants hospitalisés de moins de 5 ans, l’algorithme a permis de construire deux groupes, selon que la maltraitance était hautement probable ou suspectée. Les résultats ont montré que l’outil se révélait fiable à près de 80 % pour les enfants classés dans le premier groupe, et même à plus de 94 % chez les enfants de 1 mois à 1 an.
Un signal d'alerte supplémentaire pour les médecins
Dans les violences physiques sur les jeunes enfants, « les lésions ne sont pas toujours spécifiques, cela peut être des ecchymoses qui n’interpelleront pas forcément les professionnels », d’autant que les médecins urgentistes ne connaissent pas les antécédents du jeune patient, explique la responsable de l’étude, le Pr Catherine Quantin, médecin de santé publique et DIM (département d’information médicale).
L’algorithme pourrait permettre de mieux « repérer une maltraitance qui ne saute pas aux yeux, et suivre l’évolution de la maltraitance au niveau national et local », souligne le Pr Quantin. Cet outil a ainsi déjà pu permettre de soutenir l’idée de la réouverture des crèches et des écoles après le premier confinement.
Les chercheuses espèrent que leur algorithme, lauréat du Health Data Hub en juin 2022, puisse être validé à plus grande échelle, dans d’autres établissements. « Il pourrait servir de signal d’alerte complémentaire aux médecins dans les services de pédiatrie ou d’urgences, explique le Pr Quantin, sous réserve de l’obtention des autorisations nécessaires. Nous souhaitons aussi pouvoir l’utiliser comme baromètre de surveillance de la maltraitance en France et au niveau européen. »
Neijma Lechevallier
(1) Bulletin épidémiologique hebdomadaire de Santé Publique France du 17 mai 2022.
Les chiffres
Chaque année, environ 50 000 plaintes pour violences physiques sur enfant sont déposées et 20 000 pour agressions sexuelles.