Depuis des années, le pédopsychiatre Boris Cyrulnik explore la question de la dépression des mères autour de la naissance. Le spécialiste plaide pour un accompagnement renforcé et une meilleure coordination de la prévention et des soins autour des futurs et jeunes parents.  

Vous avez présidé la Commission des 1000 premiers jours. Pouvez-vous nous dire quel est le contexte français ? 
Boris Cyrulnik :
Cette Commission installée en septembre 2020 visait à dessiner une ambition pour le bien-être des nourrissons et de leurs parents. Les enjeux sont à la fois d’informer les parents, d’avant la conception aux deux ans de l’enfant, et d’offrir des conditions favorables à son développement pour lutter contre les redoutables inégalités de destin, qui se forgent bien avant l’entrée à l’école.
Des experts d’horizons différents ont remis un rapport au gouvernement. Les suites données à nos recommandations se concrétisent depuis avril 2021 par l’attribution de plusieurs dizaines de millions d’euros qui irriguent de multiples projets à différentes échelles du territoire. Nous rattrapons un retard français évident dans un domaine pourtant exploré dès les années 1990, avec des projets de terrain pionniers. 

Quels sont les enjeux individuels et de santé publique liés à cette période des 1000 premiers jours ? 
B. C. :
Tout ne se joue pas avant deux ans – ni même avant sept –-, mais tout commence ici. Depuis un peu plus d’une dizaine d’années, nous savons que la capacité à affronter et à surmonter des traumatismes et des malheurs au cours de la vie dépend de la sécurisation dans les tous premiers mois, avant l’apparition de la parole. Un bébé qui a été sécurisé à cette période en gardera une empreinte, et pas seulement neurologique. Quand il lui arrivera un malheur, il en souffrira, mais il sera facile à aider, car il gardera espoir. C’est la raison pour laquelle il est primordial que les soignants soutiennent les femmes enceintes et les parents de bébés en difficulté en leur proposant une aide et un accompagnement adaptés. 

Quelles sont les dernières avancées de la recherche dans le domaine de la psypérinatalité ? 
B. C. :
Les échanges sensoriels et psychiques autour de l’enfant à naître sculptent son cerveau et son corps. Les facteurs environnementaux – habitudes de vie des parents, produits toxiques, etc. – entrent en jeu dès la conception. Pendant la grossesse, si une femme est insécurisée (violences conjugales, précarité sociale, catastrophe naturelle, conflit… ), cortisol et catécholamines, qui sont les hormones du stress, interagissent avec son fœtus. Contrairement à ce qui arrive en cas de stress passager, les hormones maternelles franchissent la barrière placentaire et entrent dans le liquide amniotique où le bébé les ingère, ce qui est toxique pour son système limbique. L’enfant naît alors avec des altérations cognitives de la mémoire et des émotions. Une dépression maternelle après la naissance provoque aussi une dysfonction cérébrale du bébé. Près de 20 % des jeunes mères sont concernées par une dépression, allant parfois jusqu’au suicide. 

Quels sont les défis prioritaires à relever et quels sont les moyens pour y arriver ? 
B. C. :
Si les effets d’une souffrance maternelle ou d’un environnement sensoriel provoquant une vulnérabilité sont importants aux premiers âges, les moyens d’action sont connus et efficaces. Une maman de nouveau sécurisée permettra au tout petit de reprendre un bon développement en 48 heures. Cela, grâce à la plasticité cérébrale du début de la vie. On sait par exemple qu’entre 300 000 et 1 million de nouvelles synapses se créent à la minute avant trois ans. 
Par ailleurs, les médecins et tous ceux qui interviennent auprès des couples ou des femmes de la conception aux deux ans de l’enfant doivent garder à l’esprit que la santé psychique détermine aussi la santé physique. Une veille collective et une coordination interdisciplinaire doivent donc être à l’œuvre, avec des entretiens prénataux et postnataux bien menés, afin d’identifier et d’accompagner au mieux les parents et les bébés en difficulté. 

Propos recueillis par Neijma Lechevallier
 

Cela pourrait vous intéresser.

Lire aussi.

Découvrez le MNH MAG de mars

12/04/23

Découvrez le MNH MAG de mars

Printemps, le grand nettoyage !

07/04/23

Printemps, le grand nettoyage !

La MNH agit pour la santé des hospitalières

05/04/23

La MNH agit pour la santé des hospitalières

QVCT : lumière sur un nouveau Trophée

31/03/23

QVCT : lumière sur un nouveau Trophée